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même que, si le duc de Rovigo envoyait chercher tels et tels ecclésiastiques qu’il désigna, et s’il leur déclarait lui-même qu’il connaissait l’existence du bref et qu’il les rendrait responsables de la publication, on pourrait peut-être prévenir un si fâcheux incident. Déjà il était trop tard. Soit en effet que l’abbé d’Astros eût multiplié ses confidences, soit plutôt que le bref en question eût été adressé à d’autres personnes, le bruit fut assez vite répandu au sein du clergé de Paris que le pape avait envoyé de Savone l’ordre de ne pas reconnaître la juridiction spirituelle du nouvel archevêque. Un trouble indicible régnait au sein du chapitre de Notre-Dame, qui officiellement ne savait pourtant rien. Grande était l’émotion du cardinal Maury, mais plus grande encore la colère de Napoléon. L’un et l’autre soupçonnaient fortement l’abbé d’Astros d’être la cause de tout le mal ; mais de preuve contre lui il n’y en avait aucune, lorsqu’une pièce tout à fait probante vint à tomber entre les mains de la police impériale. C’était un bref, en date du 18 décembre 1810, directement adressé au vicaire capitulaire de Paris contre l’administration diocésaine du cardinal Maury. Pie VII y disait que, pour enlever tout sujet de doute et pour plus grande précaution, il ôtait à l’archevêque nommé tout pouvoir et toute juridiction y déclarant nul et sans effet tout ce qui serait fait de contraire sciemment ou par ignorance. L’abbé d’Astros n’avait pas reçu ce dernier bref. Il avait été intercepté, soit à Savone, soit sur la route, par les espions du gouvernement ; mais comme le bref répondait expressément aux questions posées pas le vicaire capitulaire de Notre-Dame, c’était la pièce de conviction la plus irréfutable de ses relations avec le souverain pontife. « Cette découverte, dit l’auteur auquel nous empruntons une partie de ces détails, avait élevé la fureur de Napoléon contre le jeune chanoine à un état de paroxysme qui présageait de prochaines et formidables tempêtes[1]. » Plusieurs circonstances, ignorées probablement du biographe de l’abbé d’Astros, mais que révèle la correspondance du préfet de Montenotte. expliquent sans les justifier les excès de la colère impériale. Napoléon, avec la merveilleuse sagacité qui lui était habituelle, avait en effet prévu ou à peu près ce qui arrivait aujourd’hui. Un jour où il avait nommé M. d’Osmond à Florence et le cardinal Maury à Paris, l’empereur s’était bien douté que le saint-père ne laisserait point passer de semblables nominations sans protester. Il avait donc résolu d’ajouter quelques nouvelles précautions à celles qu’il avait déjà prises. L’évêque de Savone ne lui semblait plus, en sa qualité d’ecclésiastique, un personnage assez

  1. Vie de M. le cardinal d’Astros, p. 183.