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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/660

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effet un espace de trois années, pendant lesquelles il ne cesse de montrer une voracité extrême.

Quand les femelles sont sur le point de pondre, elles choisissent un terrain léger ou ameubli par la culture, s’y enfoncent et déposent leurs œufs. En moyenne, chaque femelle en a quarante. Au bout de trente ou trente-sept jours, les petites larves éclosent. Elles ont déjà de fortes mandibules munies d’une dent taillée en biseau ; elles sont par conséquent très bien armées pour trancher aisément les racines, et elles se mettent immédiatement à la besogne. Les insectes demeurent à l’état de larves durant deux ou trois ans, selon la température à laquelle elles sont soumises. Le plus souvent elles n’arrivent au terme de leurs métamorphoses qu’au printemps de la troisième année. Si les hannetons ont achevé leur transformation avant cette époque, à l’automne de la seconde année, ils demeurent enfouis et engourdis dans leur trou pendant l’hiver qui suit, consommant sans doute la graisse accumulée dans leurs tissus. Au printemps, ils sortent définitivement de terre.

On a remarqué qu’on ne trouvait jamais de larves de hannetons dans les terrains en friche. Aussi ces insectes étaient-ils rares dans les anciens temps. L’agriculture, moins avancée, ne connaissait ni les labours profonds ni les défoncemens. Les procédés de la culture intensive, en se généralisant de plus en plus, ont ameubli, aéré le sol, facilité le développement et la pénétration des racines. Les larves ont donc trouvé beaucoup plus de facilité pour se frayer un passage et chercher leur nourriture jusque dans des couches de terre végétale dont l’accès leur était fermé. Elles s’enfoncent de plus en plus à mesure que la température devient plus rude, remontent quand elle s’adoucit, et se trouvent ainsi dans les conditions les plus favorables pour prospérer et se développer sous le sol. Aussi le nombre des hannetons s’accroît-il d’une manière vraiment inquiétante. Il ne saurait être question de faire rétrograder l’agriculture et de revenir à l’usage des grossiers araires d’autrefois, qui grattaient à peine la surface de la terre. Une tendance irrésistible et très rationnelle pousse au contraire à perfectionner les cultures afin d’augmenter sans cesse, à superficie égale de terrain cultivé, le poids total et la valeur des récoltes. La destruction des coléoptères est donc un problème dont il devient de plus en plus urgent de découvrir la solution. Lorsque, sollicitées par la douceur du temps, les larves remontent vers la surface du sol, il n’est pas rare d’apercevoir du jour au lendemain sur les organes aériens des plantes les signes extérieurs des attaques que subissent les racines. Des champs entiers, couverts des pousses vigoureuses et saines d’un semis de chanvre, montrent tout à coup les extrémités des tiges recourbées, les feuilles flétries, bientôt après desséchées.