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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/704

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leurs épreuves, l’ont traversée dans une certaine sécurité, à l’abri du traité de Cavour, qui fut respecté dans ses principales dispositions par les souverains de la maison de Savoie ; mais le moment est venu où cette faible barrière va être emportée, où le tempérament débonnaire du prince ne pourra plus tenir contre le fanatisme de ses peuples. Déjà en 1622 une clause de ce traité qui accordait aux vaudois le droit de s’établir et d’acquérir des biens dans la plaine avait été révoquée par un édit de Charles-Emmanuel Ier, rendu (c’est le prince lui-même qui le déclare pour dégager sa responsabilité) en conformité d’un ordre venu de Rome, in conformità del breve fatto publicare dalla santità di nostro signor papa Gregorio XV. Plus tard, en 1650, un autre édit plus pressant avait refoulé vers leurs montagnes les vaudois que le trop-plein de la population forçait d’abandonner les hauteurs ; Cependant on n’avait pas tenu bien rigoureusement la main à l’exécution de ces mesures d’intolérance, et les religionnaires avaient fini par se considérer comme chez eux dans les bourgades de Briccherazio, de Bibiana, de Campiglione et de Fenile ; mais voici qu’au mois de janvier 1655, en plein hiver, un ordre de Turin leur enjoignit, sous peine de mort, de rentrer dans leurs vallées. Ce fut le prélude du grand massacre connu sous le nom de pâques piémontaises, qui produisit dans le monde protestant une émotion aussi grande que celle de la Saint-Barthélémy, et attira sur la cour de Turin un orage formidable de protestations.

Charles-Emmanuel II, qui régnait alors, était livré aux fatales inspirations de l’association de la Propagande. Cette société, dont le nom est déjà revenu plusieurs fois sous notre plume, a fait dévier du caractère traditionnel de leur maison le duc Philibert, les deux Emmanuel et Victor-Amédée II. Elle a rempli auprès d’eux le rôle d’un mauvais génie en leur inspirant toutes les mesures de persécution contre les sectaires des Alpes. Ceux qui connaissent l’histoire politique du règne de Charles-Albert auront l’idée de cette association, car ce prince, le libéral et le constitutionnel de 1821, a été retenu pendant dix-sept ans dans le vieil absolutisme par la société de la Cattolica, analogue au conseil de la propagande. Le sanfédisme de 1830 est la reproduction exacte de la propagande de 1655. L’organisation est la même, le but seul est différent. L’un était dirigé contre les principes de liberté politique, l’autre poursuivait l’extermination du valdisme. Sous le règne de Charles-Emmanuel II, le conseil de propaganda fide se composait des plus hauts personnages de la cour, entre autres du général marquis de Pianezza, de Gastaldo, lieutenant de la couronne dans les vallées vaudoises, de l’archevêque de Turin et du confesseur du prince. La partie la plus agissante de l’association, c’étaient les grandes dames de