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qui se passera dans trois mois, et ce n’est pas la situation de l’Europe qui aiderait à déchiffrer cette énigme. L’Europe en ce moment, pour occuper sans doute ses vacances d’été, en est à jouer aux charades diplomatiques. Ce qu’on appelle la politique européenne se compose d’une multitude d’apparences, de mirages à travers lesquels apparaît une situation toujours grave. Ce qui est clair, c’est que les conditions essentielles dans lesquelles vit l’Europe ne changent pas ; elles restent aujourd’hui comme hier sous le poids d’un menaçant inconnu, et en attendant que la lumière se fasse les diplomates de nonne volonté fabriquent des rapprochemens, des alliances, qui se rattachent naturellement à tout un ordre d’éventualités plus ou moins imminentes. Un jour, c’est la Prusse cherchant à rentrer en bonne amitié avec l’Autriche et lui faisant même des avances auxquelles M. de Beust ne se montre pas absolument sensible. Un autre jour, c’est la France préparant une union douanière, mieux encore une ligne offensive et défensive avec la Belgique et la Hollande, et cette combinaison, sur laquelle un membre du parlement anglais a manifesté l’intention d’interpeller le cabinet de Londres, ouvre aussitôt carrière à toutes les conjectures, comme si elle était presque un fait accompli, lorsqu’elle a été tout au plus un projet imparfaitement ébauché. Au fond, ce ne sont là que les symptômes mobiles, peu décisifs, d’une situation qui se déroule lentement, obscurément, et qui conduit on ne sait où. Il y a une force des choses qui mène aujourd’hui les événemens, et les hommes s’amusent à la regarder agir, comme si ce n’était pas leur destinée qui se prépare. Que sortira-t-il de ce mouvement allemand tel qu’il est apparu depuis les révolutions diplomatiques et militaires de 1866 ? Toujours est-il qu’il se poursuit avec une intensité singulière, et que, si la Prusse n’est point intéressée à le précipiter, elle ne fera rien non plus pour le ralentir, pour le décourager.

Lorsqu’il y a quelques semaines l’un des plus éminens orateurs du corps législatif engageait la France à se renfermer dans une grande réserve, à s’abstenir non-seulement de toute action, mais de toute apparence d’action, presque de toute parole, afin de laisser s’accomplir tout seul le réveil déjà commencé des instincts fédéralistes allemands, cette espérance d’un réveil prochain de la vieille Allemagne était peut-être faite pour inspirer quelques doutes, et il n’était pas certain dans tous les cas que l’expression de cette confiance dût produire le meilleur effet au-delà du Rhin. L’événement n’a pas tardé à montrer ce qu’il faut croire de cette résurrection de l’esprit d’autonomie en Allemagne, même de la résistance particulariste dans les états du sud. Une occasion toute récente s’est offerte dans le Wurtemberg. Il y a quelques mois, dans les élections pour le parlement douanier qui s’est réuni à Berlin, le cabinet de Stuttgart avait réussi à empêcher la nomination des candidats favorables à la politique prussienne. C’était une sorte de victoire pour l’esprit particulariste. Des élections viennent d’avoir lieu pour le renouvellement