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de maintenir sa situation politique que de procéder à des réformes économiques. M. Barzanallana expliquait très nettement devant le sénat les causes de sa retraite, et depuis, dans la discussion du budget, il a de nouveau caractérisé cette attitude qu’il avait prise, qui n’était pas absolument hostile au ministère, mais qui ressemblait assez à une opposition polie. C’était là pour le cabinet un affaiblissement né d’un travail de dissidence qui pouvait entraîner plus d’un adhérent. D’un autre côté, dans le congrès, même dans ce congrès formé administrativement, composé d’une majorité qui ressemblait d’abord à l’unanimité, un travail identique semblait se manifester. Cette majorité si docile se lassait, des résistances éclataient, des velléités libérales se faisaient presque jour, et il y avait des momens où l’autocratie de M. Gonzalez Bravo était supportée avec peine. Ces divers symptômes avaient commencé de se produire avant la mort du général Narvaez, ils n’ont fait naturellement que s’aggraver par la disparition du chef énergique devant qui tout pliait, et le gouvernement ne tardait pas alors à renvoyer les chambres sans leur laisser le temps de voter quelques lois urgentes qui leur étaient soumises. Le ministre s’était délivré de cette petite et vague opposition qui pouvait grandir dans les chambres. La lassitude d’une partie de cette majorité si parfaitement conservatrice n’était pas moins apparue, et à leur tour les partis libéraux, fort divisés jusque-là, progressistes, membres de l’union libérale, commençaient à se rapprocher, à s’entendre ; ils faisaient mieux, ils publiaient dans les journaux le programme de leur alliance. Rassemblez tous ces faits, c’est là ce que le ministère a appelé la grande conspiration. C’était tout simplement une situation qui pouvait sans contredit devenir dangereuse pour le cabinet, puisqu’elle naissait de la lassitude commune d’un régime de réaction qui ramène l’Espagne aux beaux temps de Ferdinand VII ; il n’y avait pas véritablement un complot organisé et surtout prêt à éclater. Quant à la participation du duc et de la duchesse de Montpensier à cette agitation des partis, elle est assurément une agréable broderie imaginée par M. Gonzalez Bravo, à moins qu’il n’ait reçu l’histoire toute faite. Aujourd’hui le ministère est libre et a balayé ses adversaires. L’Espagne, il ne faut pas se le dissimuler, est en plein absolutisme, et un des spécimens les plus curieux de ce régime est un ordre du jour adressé par le capitaine-général de Madrid, M. Pezuela, à ses soldats. Cet honnête général, qui est un grand personnage du moment, dit à peu près à ses soldats que de père en fils, depuis le grand capitaine, ils ne sont que d’affreux rebelles toujours prêts à la sédition, mais qu’avec lui il faut que cela finisse. Que M. Pezuela supprime, s’il peut, les insurrections militaires dans l’armée espagnole, c’est fort bien ; mais avec sa politique il pourrait encore plus sûrement supprimer autre chose, et ce quelque chose, c’est la monarchie actuelle elle-même. C’est le moment d’y songer. ch. de mazade.