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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/835

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sont ensuite ébarbées, coupées à l’endroit où commencent les nœuds, appareillées au moyen d’instrumens spéciaux, après quoi de pauvres femmes à qui ce métier rapporte quatre ou cinq sous par jour commencent à tresser les pailles en bandes qui, cousues ensemble, seront ensuite rognées, aplanies, râpées, avec une peau de poisson, dépouillées des brins tachés et des barbes qui passent, reprisées, avec un soin minutieux, baignées enfin, foulées et repassées au fer chaud, jusqu’à ce qu’elles aient pris la forme de ces grands chapeaux ronds à larges bords que portent les contadines. Ces beaux chapeaux, quand ils étaient faits de la paille menue, blanche et souple qu’on récoltait sur les hauteurs de Signa, coûtaient autrefois jusqu’à 700 francs ; ils sont aujourd’hui beaucoup trop chers, surtout depuis que les femmes ont pour toute coiffure les cheveux des autres. 12,000 ouvriers, femmes et enfans pour la plupart, sont occupés à ces divers travaux, les uns de quatre à six mois par an, les autres, l’année entière. Cette industrie s’est répandue jusque dans les Abruzzes. A Carpi (province de Modène), on fait des chapeaux en écorce de saule appelés, nous ne savons pourquoi, chapeaux de paille de riz.

Néanmoins, en Toscane comme dans le reste de l’Italie, l’industrie n’est vraiment supérieure que lorsqu’elle se rapproche de l’art ; Florence le prouve par ses mosaïques. Ces tapisseries de pierre étaient déjà fort belles dans l’antiquité ; celles qui servaient de parquet aux provinciaux de Pompéi feraient aujourd’hui ! des tables splendides. Cependant l’art ne s’est point perdu depuis la première éruption du Vésuve. Aux pierres calcaires, employées déjà par les Pompéiens pour remplacer les émaux, qui se décoloraient trop vite, les Italiens de la renaissance ont substitué une pâte siliceuse grâce à laquelle ils purent obtenir une plus grande variété de couleurs. On vit de très grands artistes (Giotto, Ghirlandajo, etc.) occupés à perfectionner la mosaïque, jusqu’au joue où Beccafumi trouva cette marqueterie en marbre gris et blanc dont il sut paver en clair-obscur la cathédrale de Sienne, travail exquis et protégé par des planches qu’on peut faire enlever en soudoyant le sacristain. Il est intéressant de voir les mosaïstes à l’œuvre : au moyen d’un fil de fer poudré d’émeri, ils scient la pâte en fines tranches qui, limées, aplaties, polies, doublées d’une plaque d’ardoise, sont enchâssées dans la pierre qui sert de fond. A Florence, une dizaine de manufactures sont consacrées à ce fin travail, sans compter le grand établissement royal installé dans un ancien couvent de la rue des Alfani, et qui continue avec une sage lenteur la magnifique chapelle des Médicis, où se sont engloutis déjà tant de millions. Il l’achèvera peut-être.