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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/839

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ajoutons 550,000 Italiens dont la vie est consacrée aux professions libérales ; ils sont presque aussi nombreux que les négocians. Nous n’ayons pas la statistique détaillée de ces professions, nous savons seulement qu’en 1861 les médecins pullulaient, surtout dans le midi, où les avocats doivent être plus nombreux encore.

Lors des annexions, les instituteurs étaient rares, mais les prêtres ne l’étaient point. Pour 1,000 habitans, l’Ombrie en avait 14, et il ne s’agit ici que des prêtres séculiers. L’Italie, plus riche en ceci que tous les pays catholiques, ne cédait le pas qu’au Portugal. L’Angleterre, infestée, il est vrai, par l’hérésie, se contente d’un ecclésiastique et demi pour 1,000 fidèles. Ajoutez maintenant les moines (3 ou 4 pour 1,000 habitans), ainsi que le contingent de la Vénétie, et vous aurez dans la péninsule entière, en exceptant toutefois les états pontificaux, qui amèneront des renforts considérables, 174,000 hommes vivant de l’autel. Enfin 242,000 hommes environ veillent à la sûreté intérieure et extérieure du royaume, 147,000 appartiennent à l’administration, 520,000 sont rangés dans la classes des serviteurs (ils suffisent pour 5 millions de familles), 305,000 vivent d’aumônes. Restent encore 9 millions et un quart d’Italiens dont on n’a pu indiquer la profession : ce sont, comme on dit, les non-valeurs de la statistique. Parmi ces derniers figurent les enfans, les vieillards, les ménagères, qui travaillent aussi, bien qu’on ne les compte pas.

Voilà l’Italie active. On le voit, elle est plus vivante et plus laborieuse qu’on ne le croyait naguère, au temps où les voyageurs, qui l’appelaient la terre des morts, n’allaient étudier chez elle que les ruines païennes et les monumens catholiques. Certes elle a beaucoup à faire encore pour remonter à sa hauteur d’autrefois, elle n’est plus l’Italie du moyen âge et de la renaissance ; même après ce voyage studieux qui prouve qu’elle existe, on ne peut songer sans regret au temps où Gênes et Venise étaient les reines des deux mers, où les grands artistes étaient en même temps les grands promoteurs des travaux, des industries nouvelles, où Michel-Ange donnait des plans de fortifications, où Léonard de Vinci rendait les canaux navigables, inventait les prairies artificielles et s’engageait à soulever la cathédrale de Florence pour l’exhausser sur des gradins. Que sont-ils devenus, ces puissans génies, inépuisables créateurs dans toutes les sciences et dans tous les arts, — Flavio Gioia, Christophe Colomb, Galilée, Galiani, Volta, les Alde, les Ghiberti, les Stradivarius ? Cet heureux peuple eut longtemps le monopole de toutes les inventions, même de celles qui sont le lugubre honneur de notre siècle : escopettes, espingoles, bombes et bombardes, tout cela venait de Brescia, de Vicence et de Rimini.