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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/881

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de tous côtés assaillie par l’esprit nouveau, défend ce qu’elle croit être ses droits, et les affirme en Italie, en Autriche, en Espagne, en France, jusqu’en Angleterre. Il est dans la nature qu’un être vivant donne jusqu’à la fin la preuve qu’il n’est pas mort et se raccroche à la vie ; mais, s’il est impossible à un esprit sincèrement religieux et suffisamment éclairé de voir en elle autre chose qu’une institution politique en décadence, les hommes des temps nouveaux ne peuvent pas avoir plus d’attachement à sa cause qu’ils n’en ont à celle du tsar ou du sultan considérés comme chefs de leur empire. Au contraire beaucoup d’hommes religieux de nos jours désirent voir se fonder une église chrétienne universelle qui réunirait toutes les communions séparées. Théoriquement rien n’est plus facile à concevoir qu’une telle église ; mais ceux qui comptent sur un concile pour la réaliser sont le jouet d’une étrange erreur. Cette église existe à la vérité au fond de toutes les communions ; pour l’établir et la proclamer toutefois, il faudrait d’abord que chacune d’elles renonçât à l’élément politique qu’elle a adopté dès son origine, c’est-à-dire à sa hiérarchie et à ses droits séculiers. Or ce n’est pas ainsi que procèdent les institutions humaines ni en général les lois de la nature : les choses naissent de rien, grandissent, atteignent leur maximum, puis déclinent et n’arrivent que lentement à disparaître. La seule voie à suivre serait celle qu’indiquent les pages précédentes : comme ces élémens politiques se sont ajoutés petit à petit à la religion, il faut qu’ils s’en détachent petit à petit. Si ce travail s’accomplissait pour toutes les communions, le monde occidental ne serait plus ni catholique, ni grec, ni russe, ni protestant. il serait chrétien. Si un dégagement pareil pouvait s’accomplir en Asie chez les autres peuples aryens, notre race entière cesserait d’être ou brahmanique, ou bouddhiste, ou mazdéenne, ou chrétienne, elle serait simplement religieuse. On voit combien nous sommes loin d’un tel avenir. Compter pour le réaliser sur le concours des ministres de chaque église, c’est demander à la cause qui fait la diversité des églises de leur donner l’unité et de s’abdiquer elle-même, c’est demander aux rois de se réunir en congrès et de proclamer la république universelle ; les peuples pourraient faire une telle chose dans l’avenir, les rois ne la feront jamais.

Il y a des personnes qui croient la religion intéressée à la conservation de la hiérarchie romaine. C’est une erreur, puisque le catholicisme romain est une institution politique et non religieuse. Si leur opinion était fondée, elle serait également vraie de toutes les autres hiérarchies sacerdotales, prises chacune dans le pays où elle existe. Dans ce cas, il faudrait admettre que la loi du retour à l’unité est impraticable, qu’elle n’existe pas, et que la religion universelle, bien loin de pouvoir revenir à sa catholicité primordiale,