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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/974

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ne devait plus y flotter longtemps. Le 28 mai 1758, une flotte formidable appareillait d’Halifax sous les ordres de l’amiral Boscawen, et mouillait le 2 juin dans la baie de Gabarus, à sept milles à l’ouest de Louisbourg. Elle se composait de vingt-trois vaisseaux et de dix-huit frégates, plus un convoi nombreux portant une armée de 15,000 hommes. Le commandant en chef était le général Amherst, mais le véritable chef, l’âme de l’armée, fat le célèbre Wolfe, alors encore peu connu, et que son rôle capital dans <eette expédition, où commença pour l’histoire sa courte et glorieuse carrière, désigna sans retard au regard pénétrant de Pitt. Ce fut ce grand ministre en effet qui le rappela en Angleterre après la prise de la ville, et lui confia au Canada, à l’étonnement général, le haut commandement dans lequel il devait si promptement s’immortaliser, La garnison française de Louisbourg ne réunissait que 2,500 hommes de troupes régulières, et 300 miliciens recrutés parmi les habitans. Elle opposa néanmoins une résistance digne d’éloges, encouragée en cela par l’exemple non-seulement du gouverneur, le chevalier de Drucourt, capitaine de vaisseau, mais par celui de son héroïque femme, qui pendant toute la durée du siège ne cessa de partager les dangers de son mari, affrontant à ses côtés la mort sur les remparts, où elle tirait le canon elle-même. Il fallut enfin céder : près de deux mois de tranchée ouverte avaient mis la place dans un état à ne pouvoir tenir plus longtemps ; les bastions principaux, dû Roi, de la Reine et du Dauphin, étaient en poussière ; de larges brèches s’ouvraient aux flancs des murailles, et le 26 juillet la capitulation fut définitivement signée. Cette fois le gouvernement anglais, instruit par l’expérience, abattit et brûla tout pour ne laisser à la place de la ville qu’un monceau de ruines. Il fit aussi sauter les fortifications, lesquelles étaient si solidement construites qu’il ne fallut pas moins de deux ans pour accomplir cette œuvre de destruction. La population fut dispersée, et le pays devint désert. Des traces de fossés éparses çà et là, un pan de mur démantelé dominant la mer, vers l’intérieur une enceinte de glacis en amphithéâtre, quelques restes de nos vastes magasins sous les voûtes desquels s’abritent des bestiaux errants, puis parfois, quand la mer est calme, quelques débris de nos vaisseaux « coulés que les pêcheurs prétendent apercevoir encore sur le fond, — voilà aujourd’hui tout ce qui reste de Louisbourg !

Quant aux autres traces de notre passage dans le pays, on les trouve éparses sous forme de familles acadiennes disséminées, mais vivant néanmoins assez près les unes des autres pour entretenir leurs relations. A une quinzaine de milles de Sydney est mn canton cultivé par eux, auquel a été conservé le nom de Village français,