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Le spirituel premier ministre de la reine Victoria ne transige pas quand il s’agit de la foi. A ses yeux, l’abolition de l’église d’état en Irlande est une atteinte à la constitution, une menace pour l’église tout entière d’Angleterre et d’Écosse, une périlleuse concession au papisme menaçant. C’est du pur torysme. M. Gladstone à son tour reste sur le terrain où il s’est placé le jour où il a obtenu des communes une éclatante adhésion au principe de la liberté religieuse. Son manifeste est le programme du libéralisme anglais. Il s’agit maintenant de savoir à quelle politique se ralliera le pays, et c’est là que cette masse électorale nouvelle appelée à la vie publique par le reform-bill peut être d’un grand poids ; c’est le renfort de troupes fraîches arrivant à propos sur le champ de bataille. A voir l’agitation qui commence, la lutte sera vive sans doute ; elle ne produira pas peut-être un parlement aussi absolument nouveau qu’on aurait pu le croire ; elle s’engage dans tous les cas d’une façon favorable pour une cause dont le mot d’ordre est cette belle et simple parole de M. Gladstone : « l’objet d’une politique vraiment libérale, c’est d’arriver par des mesures équitables, mais nettement tranchées, à rendre le nom de la loi aussi respecté en Irlande qu’il l’est en Angleterre,… en créant dans l’esprit de la nation la conviction que la loi est une amie et non une ennemie. » C’est là un programme d’opposition qui mérite de devenir un programme de gouvernement, et c’est par ce jeu naturel des institutions que l’Angleterre marche dans sa voie triomphale de progrès sans révolution.

Les élections anglaises pourront être vives et bruyantes, elles ne le seront jamais autant que cette élection américaine qui se prépare en ce moment, et dont les préliminaires laissent entrevoir tout ce qui s’agite d’antagonismes, de problèmes sociaux ou politiques, de passions, aux États-Unis. Les candidats pour la présidence ont été choisis par les deux grands partis qui se disputent l’héritage de M. Johnson. Pour le parti républicain, c’est le général Ulysse Grant, dont le nom rappelle les victoires du nord sur la sécession ; pour le parti vaincu dans la guerre, c’est-à-dire pour le parti démocrate, c’est M. Horatio Seymour, ancien gouverneur de New-York, homme d’intelligence et d’habileté, très dévoué aux intérêts du sud. Il a été préféré tout à la fois au chief-justice, M. Chase, qui était d’une nuance plus modérée, et à M. Pendleton, qui représentait toutes les ardeurs réactionnaires du parti. Ainsi les camps sont bien tranchés. Il reste à savoir qui aura la victoire. Ce n’est pas dans tous les cas par les séductions irrésistibles de son éloquence que le général Grant l’emportera. Depuis qu’il est candidat et qu’il a publié un bout de programme, d’ailleurs fort peu significatif, on n’a plus entendu parler de lui ; il est allé se reposer dans ses terres de l’illinois, et ce n’est pas lui qui se perdra par ses paroles ou par ses démarches ; mais, s’il ne dit rien et ne fait rien, on agit pour lui, de même qu’on agit pour M. Horatio Seymour. Aux États-Unis, une candidature est l’af-