Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le soulèvement général des populations allemandes pour s’affranchir du joug de Napoléon et dans la grande lutte qui a déterminé sa chute. La confédération germanique s’est relevée aussi alors, avec bien des mutilations et une organisation nouvelle, et au sein de la confédération la rivalité de la Prusse et de l’Autriche a reparu, mais atténuée et contenue par l’effet prolongé de leur récente alliance guerrière, par les sentimens personnels des princes, par leur crainte commune des révolutions et par l’aversion des populations allemandes contre toute influence de l’étranger, surtout de la France. Trente-quatre années de paix européenne ont usé dans la confédération germanique ces causes de concorde intérieure, réelle ou apparente, et semé les germes d’ambitions nouvelles, populaires plus que royales. La révolution de 1848 a développé ces germes et rallumé la rivalité des deux grandes puissances allemandes ; la Prusse a paru un moment toucher à la conquête du titre et du pouvoir impérial en Allemagne ; une réaction amenée par l’emportement et l’aveuglement des novateurs a encore ajourné l’issue de la crise. Une question bien petite en apparence, et que la plus petite sagesse européenne eût pu étouffer ou résoudre, la question des droits constitutionnels débattus entre le Danemark et le Holstein, a précipité les événemens. Un moment alliés pour faire en commun un acte de prépotence allemande contre le petit peuple danois, l’Autriche et la Prusse sont bientôt entrées dans une rupture violente ; la bataille de Sadowa a mis d’un coup fin à la lutte, et tranché une question infiniment plus grande que celle qui avait donné naissance et prétexte au mouvement.

Il serait également puéril de voir dans ce grand fait tout ce que les vainqueurs de Sadowa ou des rêveurs systématiques voudraient y faire voir, ou d’en méconnaître la grandeur. Ce n’est pas le triomphe de la nationalité allemande, ni l’établissement de l’unité allemande : est-ce en vertu et pour l’honneur du principe des nationalités que les vainqueurs allemands de Sadowa ont expulsé de l’Allemagne et de la délibération commune sur ses affaires les 8,782,000 Allemands qui font encore partie de l’empire d’Autriche, et qu’ils retiennent sous la domination de la Prusse la portion du Slesvig où la population est danoise ? Est-ce que l’unité allemande est établie lorsque d’une part les 8,782,000 Allemands autrichiens lui manquent, et que d’autre part quatre états allemands du sud, la Bavière, le Wurtemberg et les grands-duchés de Hesse-Darmstadt et de Bade, se refusent à entrer dans la nouvelle ligue que, sous le nom de confédération du nord, la Prusse a formée autour de son drapeau victorieux ? Est-ce que la Saxe, le Hanovre et la ville de Francfort font bien volontairement partie de cette nouvelle