Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affaires étrangères à Londres, lord Stanley, a déjà fait ses preuves en fait d’esprit pacifique ; sa conduite et son langage envers les États-Unis d’Amérique, dans l’expédition d’Abyssinie et dans les diverses questions pendantes en Europe ont été empreints d’un caractère de modération intelligente, d’impartialité digne et de force tranquille qui font honneur et à lui-même et au pays qui l’approuve hautement. Si les élections donnent dans le prochain parlement la majorité au parti libéral, le chef annoncé de son cabinet, M. Gladstone, appartient par ses sentimens moraux et religieux, par ses lumières, par tout l’ensemble de son caractère et de sa vie, à la politique pacifique, et l’homme qui sera sans doute son plus puissant allié dans le parlement, peut-être son collègue dans le gouvernement, M. Bright, est le plus ferme comme le plus éloquent représentant de ce parti radical qui a pris pour maxime fondamentale la non-immixtion dans les affaires des autres peuples et la paix. Dans l’état présent de l’Europe, il ne viendra du gouvernement anglais, on peut l’affirmer, aucune impulsion à la guerre, aucune influence qui ne soit pour le maintien de la paix.

Le souverain et le ministre des affaires étrangères de la Russie ne sont pas pacifiques de la même façon et par les mêmes raisons que M. Gladstone et lord Stanley ; ils le sont pourtant, en ce sens du moins qu’ils ne sont ni en mesure ni en goût de prendre en Europe l’initiative et la responsabilité de la guerre. « La Russie ne boude pas, elle se recueille, » disait en 1856 le prince Gortschakof. C’est encore aujourd’hui sa politique, et le caractère des hommes qui la gouvernent s’en accommode aussi bien que l’intérêt du pays. L’empereur Alexandre II est un prince modéré, fidèle à l’esprit de sa nation et aux traditions de sa race et de son trône, mais plus sensible aux jouissances de la vie domestique et aux plaisirs de la cour et du monde que jaloux de conquêtes et de pouvoir. Le prince Gortschakof, que je n’ai pas l’honneur de connaître et qui s’est montré plusieurs fois homme d’esprit dans son attitude et son langage, est, dit-on, plus soigneux de sa position et de son crédit personnel qu’ardent à chercher des occasions de grande activité et de renommée. Les perspectives d’Orient et l’absolue domination de la Pologne sont les grandes affaires des maîtres de la Russie ; ce qu’ils désirent par-dessus tout, c’est de n’être pas entravés dans ces deux intérêts supérieurs. Je ne sais jusqu’à quel point ils pourraient se laisser engager par leur intimité avec la Prusse dans une grande guerre au centre de l’Europe ; mais je suis persuadé qu’à moins de circonstances très improbables ils la redouteraient bien plus qu’ils ne l’appelleraient, et qu’en tout cas ils ne feront rien qui puisse la provoquer. Les dispositions