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succès. Trompé dans son attente par la bataille de Sadowa, le gouvernement impérial a eu raison de ne pas voir dans la victoire de la Prusse une cause suffisante et, actuelle de guerre ; la guerre en ce moment n’eût fait que livrer plus complètement à la Prusse toute l’Allemagne, qui s’en serait irritée comme d’une atteinte à son indépendance nationale et à ses droits d’organisation intérieure, unitaire ou féodale. De plus, l’Europe entière aurait vu dans la guerre ainsi soudainement entreprise par la France une reprise de l’ambition et des traditions napoléoniennes, et tôt ou tard les conséquences anti-françaises d’une telle inquiétude européenne n’auraient pas manqué de se développer. Tout en maintenant avec raison la paix, le gouvernement impérial a eu raison aussi de prendre en même temps les précautions et les mesures correspondantes au nouvel état de l’Europe centrale, et de se montrer prêt, d’être réellement prêt à la guerre, si la guerre devenait inévitable et opportune pour la France ; mais cela fait, et la puissance militaire de la France bien démontrée et établie, le gouvernement français ne saurait rester, pas plus en apparence qu’en réalité, je le répète, incertain et flottant entre la guerre et la paix. Si la guerre était probable, si elle devait naturellement résulter des faits accomplis, je comprendrais qu’il gardât une attitude à la fois expectante et menaçante, et que, sans prendre la brusque initiative de la guerre, il imposât à l’Europe comme à la France le fardeau de cette redoutable perspective ; mais si la guerre n’est pas probable, si l’Europe, la Prusse comprise, sent autant au moins que-la France le besoin et le désir de la paix, le gouvernement français ne doit pas laisser ouverte la perspective de la guerre, et tenir à cet égard la France et l’Europe dans une inquiétude déplorable pour tous les intérêts, français et européens, moraux et matériels.

C’est sur cette question : la guerre est-elle probable et à peu près inévitable ? que le gouvernement français est tenu d’avoir un avis décidé et une politique également décidée et conforme à cet avis.

Je suis convaincu et je viens, à mon sens, d’établir que la guerre n’est ni inévitable, ni probable, et que maintenant, et pour un temps indéterminé, l’Europe, comme la France, aspire à la paix : quelle est la politique décidée et efficace que ce grand fait, s’il le reconnaît, conseille au gouvernement impérial ?

Des paroles, même les meilleures et les plus répétées, ne suffisent pas pour accréditer et rendre efficace la politique de la paix ; il y faut des actes qui suppriment les apparences mêmes de l’hésitation entre la paix et la guerre, et qui ramènent la confiance dans les esprits et dans les intérêts en prouvant que le gouvernement