Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/340

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant le docteur avait un fils qui étudiait à l’école de Saint-Paul et tenait presque constamment la première place parmi ses condisciples. Ses dispositions et ses succès valurent au jeune Philip, à peine âgé de seize ans, son admission dans les bureaux de la secrétairerie d’état. Il dut quelquefois à la suite de son père pénétrer dans Holland-House. Il y entrevit le monde, il y entendit parler politique ; il y apprit de bonne heure quelque chose de ce qu’apprend la conversation sur les bommes et les partis, et il put se croire destiné à être de ceux qui écrivent dans l’intérêt de ceux qui parlent.

Mais voilà qu’en 1757 le ministère fut renversé, et Pitt, le premier Pitt, devint le maître de la situation. Des débris du cabinet, il forma le sien, ou du moins celui dont il allait être l’âme sans en être le chef officiel. Lord Holland s’ensevelit dans une sinécure, et Calcraft, devenu patriote parce qu’il avait manqué la pairie, passa de Fox à Pitt et lui resta fidèle. C’était un de ces hommes du second ordre souvent nécessaires aux hommes du premier. Riche, actif, ami serviable et zélé, il disposait de plus d’un bourg et de plus d’un journal. C’était un meilleur protecteur qu’un plus grand personnage. Il prit en amitié le jeune Francis, dont il devina les talens.

On sait que le caractère de l’administration de Pitt fut une heureuse énergie portée dans la guerre que l’Angleterre soutenait alors contre nous ; c’est la France qui a fait les frais de sa gloire. Une de ses premières entreprises fut une expédition sur les côtes de la Normandie et de la Bretagne. Le jeune Francis suivit comme secrétaire le général Bligh, qui commandait les troupes de débarquement. Il assista donc à la prise momentanée de Cherbourg, qui souffrit de graves dommages, puis aux vaines tentatives d’autres descentes sur notre littoral, et gagna au moins de l’expérience là où son pays gagna peu de gloire. « Comme beaucoup d’autres de nos expéditions, disait-il, celle-ci fut mal conçue et encore plus mal exécutée, nos mouvemens n’étant souvent que la contre-marche d’une partie d’échecs mal jouée. L’ennemi commit d’égales bévues, et, pour nous avoir attribué de profonds desseins, ne sut pas tirer avantage de nos fautes. »

Au retour, il reprit sa place dans les bureaux et y continua pendant dix-huit mois son obscur travail, sans négliger d’autres études et en achevant de former son esprit et son style par la lecture des meilleurs écrivains. Il acquit ainsi une instruction variée et un art de la faire valoir qui furent dès lors remarqués, et surtout de son constant protecteur Calcraft et du secrétaire de la trésorerie Robert Wood. Il dut bientôt aux recommandations de ce dernier le poste