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convention de Gastein. La convention, on s’en souvient, avait réglé le condominium de telle sorte que la Prusse eût à administrer seule dans le Slesvig, l’Autriche seule aussi dans le Holstein, le tout sans préjudice pour leur droit de co-possession sur les deux pays. Le gouverneur prussien dans le Slesvig, le général Manteuffel, prenait son « administration » au sérieux; il supprimait les journaux, défendait toute réunion, emprisonnait les gens, et parvenait ainsi, selon la belle définition de M. de Goltz, à « passer sous silence » le droit nouveau sur les bords de l’Eider. Autres étaient les procédés du gouverneur autrichien dans le Holstein. Le général de Gablenz tenait à honneur « de ne pas laisser dans ce pays le souvenir d’un pacha turc; » il n’y supprimait pas les journaux, n’emprisonnait personne, permettait au malheureux duc d’Augustenbourg de séjourner à Kiel, tolérait les assemblées populaires qui se réunissaient fréquemment, et proclamaient « les droits du Slesvig-Holstein et du prince héréditaire. »

Ce fut précisément une de ces réunions populaires, tenue à Altona, qui fournit le texte et le prétexte de la longue dépêche prussienne au baron Werther du 26 janvier 1866. « Le roi, notre auguste maître, y lisait-on entre autres, est douloureusement affecté de voir se déployer, sous l’égide de l’aigle autrichienne, des tendances révolutionnaires et hostiles à tous les trônes... Si à Vienne on croit pouvoir assister tranquillement à cette transformation d’une race distinguée jusqu’ici par ses sentimens conservateurs en un foyer d’agitations révolutionnaires, nous ne pouvons le faire de notre côté, et nous sommes décidés à ne pas le faire. » En conséquence, le gouvernement du roi priait le gouvernement de l’empereur de ne plus nourrir de sentimens hostiles à la Prusse, de ne plus former de coalition contre elle avec les états secondaires, « de mettre aussi fin aux déclarations indignes de la presse et des associations holsteinoises, et de rendre impossible à l’avenir l’action du duc d’Augustenbourg. » Et la note finissait par la menace que toute réponse « négative ou évasive » rendrait à la Prusse une entière liberté d’action, dont elle userait de la manière la plus conforme à ses intérêts.

A cette missive prussienne, le comte Mensdorf répondit, sous la date du 7 février, par une dépêche non moins longue, mais d’une modération extrême, à l’adresse du comte Karolyi à Berlin. Dans cette note, le ministre autrichien établissait d’abord les points de droit incontestables; il protestait ensuite avec force contre l’accusation de favoriser des tendances révolutionnaires, et quant à cette autre accusation de nourrir des sentimens hostiles à la Prusse, il priait le cabinet de Berlin de jeter seulement un coup d’œil im-