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se sont élevées plus ou moins haut dans l’ordre des idées avant que la théorie aryenne apparût sur la terre; mais que ces ébauches aient été le point de départ et le commencement de cette théorie, c’est ce que la science n’admet pas. En principe, les Aryas ont les mêmes facultés intellectuelles que les autres hommes, elles sont seulement plus développées chez eux; ils n’ont pas besoin que d’autres leur découvrent le tableau de la nature, et seuls ils savent tirer de ce spectacle les enseignemens métaphysiques qu’il contient. En fait, les livres sacrés de l’Asie nous prouvent qu’eux-mêmes ont créé cette théorie et ne l’ont empruntée à personne.

La transmission aussi bien que la naissance des idées religieuses se réduit donc à une question de méthode. Les hommes des races primitives et infimes, n’ayant point créé la théorie, n’auraient pu transmettre à leurs successeurs que leurs grossières ébauches; mais ceux-ci, en les recevant et en les soumettant à une méthode plus avancée et plus sûre, les auraient transformées au point de les renouveler entièrement. Un legs de ce genre eût donc été illusoire et par conséquent inacceptable pour les héritiers, comme il est inadmissible aux yeux de la science. La hiérarchie naturelle des races humaines se retrouve dans toutes leurs œuvres et surtout dans leur œuvre par excellence, la religion. Les divinités grossières du polythéisme chinois ou dravidien sont déjà supérieures à des fétiches, et les fétiches ne les ont point engendrées. Ces divinités à leur tour n’ont pas été les formes premières des déités indiennes, lesquelles procèdent des temps védiques, et étaient d’une nature tellement mobile qu’elles ont pu s’assimiler les unes aux autres et se perdre dans la grande unité brahmanique. Plus on analyse ces faits aujourd’hui si nombreux et si bien constatés, plus on demeure convaincu que l’inégalité des religions dérive non d’un vice dans la méthode, mais du degré où les peuples sont parvenus dans l’application qu’ils en ont faite.

Depuis que les Aryas ont mis au jour la grande théorie religieuse, elle tend par la force des choses à conquérir le genre humain tout entier. Ce qu’une race est hors d’état de créer, elle peut le recevoir d’une autre, au moins en partie. Ainsi les missionnaires des diverses religions aryennes qui sont allés catéchiser des jaunes, des peaux-rouges ou des noirs, ne les ont pas trouvés entièrement rebelles. L’exemple du Tibet converti au bouddhisme nous montre un peuple mongol presque féroce adouci par la prédication et la mansuétude des prêtres indiens. Il en a été de même à Ceylan, comme on peut le voir dans plusieurs beaux récits bouddhiques traduits en français. Les Ethiopiques d’Héliodore, dont nous avons déjà parlé, sont une autre preuve du même fait, qu’il est d’ailleurs facile de