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Je passe aux êtres vivans. Ils appartiennent à la chimie par un côté, puisque la matière dont leurs corps sont faits se réduit par l’analyse aux corps simples dont le monde inorganique est formé; mais comme êtres vivans ils sont l’objet de la physiologie, dont la morphologie est une dépendance. Or il y a longtemps déjà que cette dernière science a atteint la forme élémentaire et primordiale de l’être organisé, nous voulons dire la cellule. Mammifère, ovipare ou végétal, « tout vivant sort d’un œuf; » mais l’œuf de l’animal et la graine de la plante répondent à une période déjà avancée de la vie; ce n’est pas seulement sous ces formes développées que l’on peut envisager l’être vivant rudimentaire : c’est dans le pollen des fleurs, dans la semence de l’animal et dans les ovaires avant et après la fécondation qu’il doit être étudié, car c’est là que l’analyse découvre cette première cellule contenant quelques granulations et de laquelle sortira l’être vivant tout entier. En vertu d’une loi aujourd’hui reconnue, la cellule se nourrit du milieu même où elle est plongée, produit par voie de croissance et de rupture d’autres cellules qui lui demeurent contiguës, et, ce travail de la vie se continuant, elle engendre des organes dont l’ensemble porte à des degrés divers les caractères de l’individualité. La théorie des milieux peut à elle seule donner l’explication des différences de forme qui existent entre les êtres vivans : le lion ne peut s’engendrer dans une brebis ni le palmier dans une herbe des champs; la cellule d’où le lion ou le palmier doit sortir a besoin de l’organe femelle du palmier ou du lion. C’est là précisément ce que toute l’antiquité aryenne a exprimé par sa théorie de la mâyâ dont on a parlé tout à l’heure, théorie qui de physiologique est ensuite devenue métaphysique et universelle.

Ni le principe féminin, qui dans son acception métaphysique est la cause de la diversité, ni le milieu, ni la cellule prise comme forme vivante élémentaire, ne suffisent pour expliquer la vie elle-même, c’est-à-dire cette puissance d’action qui est dans l’être vivant à toutes les époques de son existence et par conséquent aussi dans la cellule. Il y a donc en lui, outre les élémens matériels et sensibles, un principe insaisissable à l’observation, et c’est ce principe même qui est la cause active du mouvement vital, l’agent de la vie. La physiologie n’a rien à dire sur ce sujet, puisqu’il est par essence inaccessible à ses instrumens et à ses méthodes; mais la réduction de toutes les formes vivantes à l’unité, c’est-à-dire à la cellule, est un indice que l’agent de la vie est lui-même unique, et que le milieu, sous la condition abstraite de la mâyâ, est en effet le principe de la diversité et par conséquent de l’individualité des formes. La physiologie tend ainsi vers l’unité par la voie de la morphologie.