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le gros de l’escadre devant Valparaiso. Un mois après, une tentative de débarquement essayée sur le territoire chilien échoua devant la résistance des compagnies de gardes nationaux et de marins mobilisés. Tous ces succès, d’autant plus facilement grossis par la foule qu’ils étaient plus inespérés, augmentaient la confiance des alliés. Leurs forces navales allaient s’accroître de deux monitors cuirassés achetés en Angleterre par le Pérou avant la déclaration de guerre, et déjà signalés à Rio-de-Janeiro. Si le commerce du Chili souffrait du blocus, les corsaires américains avaient aussi capturé plusieurs navires espagnols. La Bolivie, qui n’avait aucune force militaire organisée à mettre au service de l’alliance, mais qui, n’ayant adhéré à aucune des stipulations du traité de Paris, n’avait à garder aucun ménagement, délivrait des lettres de marque.

La guerre menaçait donc de s’éterniser au grand détriment des finances espagnoles. Le successeur de l’amiral Pareja jugea que, puisque les choses en étaient venues à cette extrémité, l’intérêt de l’Espagne ne lui permettait ni de prolonger une expédition trop coûteuse, ni de l’abandonner sans avoir cherché à frapper sur chacun des alliés quelque coup assez terrible pour les contraindre à s’humilier et à demander la paix. Il agit d’abord contre le Chili, qui semblait l’âme de la résistance. Un seul point était vulnérable, Valparaiso. C’était une ville ouverte. Le commandant espagnol ne s’arrêta point à cette considération, Valparaiso fut bombardé (29 mars 1866). Les magasins de la douane, renfermant des marchandises pour une valeur considérable, un grand nombre de maisons particulières, furent brûlés ou détruits. La place, sans défense, ne put répondre au feu des Espagnols. Le gouvernement chilien n’avait jamais songé à la fortifier. Il avait même retiré quelques canons en mauvais état qui gisaient sur la plage. Il s’imaginait que l’escadre ennemie ne s’en prendrait pas à une ville ouverte, hors d’état d’opposer de la résistance, et où d’ailleurs le commerce étranger possédait des valeurs considérables. On espéra aussi sans doute à Santiago que l’intervention des puissances neutres empêcherait un bombardement dont les étrangers auraient à souffrir autant que les Chiliens; mais ni les bâtimens anglais, ni l’escadre des États-Unis, qui se trouvaient en rade de Valparaiso, ne firent aucune démonstration pour s’opposer au bombardement. C’était un grand désastre pour le Chili, mais qui ne rétablissait pas le prestige des armes espagnoles.

Le 2 mai, le port péruvien du Callao fut attaqué à son tour. Là les Espagnols se trouvèrent en face de fortifications réparées et considérablement augmentées, d’une artillerie du plus gros calibre, de deux monitors cuirassés dont les feux se joignaient à ceux des batteries de la côte. Après cinq heures de bombardement, un mil-