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au 14 juin. La motion fut adoptée, et la mobilisation décrétée. A la suite de ce vote, l’envoyé prussien, qui avait, au début de la séance, décliné la compétence de l’assemblée fédérale, déclara que son gouvernement considérait dès lors le pacte comme rompu, et agirait en conséquence, il ajouta que l’unité nationale ne dépendait pas de formes transitoires, qu’il y avait lieu d’y trouver une expression plus convenable, et qu’il soumettait aux gouvernemens les bases d’une confédération nouvelle sur lesquelles ils pourraient s’entendre avec la cour de Berlin. Il acheva en disant que sa mission près de la diète était terminée, et il se retira.

Le vote du 14 juin était attendu avec une anxiété extrême; depuis la dissolution du saint-empire, aucun événement plus grave ne s’était accompli en Allemagne. On en sentait la portée, mais on n’en pouvait prévoir les suites, et le résultat du vote n’était pas fait pour apaiser les inquiétudes. On préférait la guerre sans doute à l’état désastreux de crise où l’on languissait depuis deux mois; mais on n’avait point du débat actuel une vue assez nette pour s’attacher avec une ardeur entière au succès de la cause à laquelle on se ralliait. L’acte du 14 juin toutefois eut un effet immédiat : il fondit les nuances d’opinions et força les partis à prendre une résolution. Il n’en resta plus que deux. L’unité était en jeu et liée à la victoire de la Prusse. Il fallut se prononcer pour ou contre cette puissance : elle était l’instrument et s’imposait; à regret ou non, les unitaires devaient la suivre, sauf à la combattre plus tard. Si profondément séparés du reste qu’ils fussent à l’intérieur, il y avait un point sur lequel les partis s’accordaient : la crainte de l’ingérence étrangère et d’un démembrement de l’Allemagne. Tous les regards se tournaient vers la France. Rien de ce qui s’y passait pourtant n’était de nature à susciter des émotions si vives. M. de Bismarck n’était parvenu à modérer l’opinion qu’en l’assurant d’une neutralité désintéressée de la France. Bien qu’il n’y eût aucun engagement, la suite l’a prouvé, il n’hésita point à dégarnir dès le commencement de juin la frontière du Rhin, ne laissant pour garder le nord-ouest de la monarchie et faire face aux armées fédérales que trois divisions encore isolées. Cette témérité le servit. La lettre de l’empereur Napoléon à M. Drouyn de Lhuys parut sur ces entrefaites. Elle admettait les tendances prussiennes, mais elle y posait une limite; l’Allemagne y vit à la fois un encouragement aux idées nouvelles et une confirmation des paroles d’Auxerre. Dans l’état des choses, l’impression fut en définitive favorable à la Prusse.

M. de Bismarck était maître du présent; il fallait en user promptement. Le 15 juin, la Prusse fit notifier au Hanovre, à la Hesse électorale et à la Saxe que, leur vote à la diète impliquant une