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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/789

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ticulier. La télégraphie de campagne et les chemins de fer reçurent une organisation complète. Le réseau des voies ferrées fut divisé en zones militaires, et il y eut tout un personnel prêt à en prendre la direction. Les parcours et le mode de réunion des trains furent réglés d’avance, de sorte que, le décret de mobilisation lancé, on savait au juste le temps que mettrait un corps à se rendre à la frontière. On ne s’était pas contenté de ces dispositions générales. La campagne même que l’on fit en Bohême était préparée depuis longtemps et dans le plus minutieux détail. On connaissait à Berlin, mieux qu’à Vienne peut-être, l’ordre de bataille de l’armée autrichienne et la topographie de la Bohême. Des cartes excellentes étaient dans les mains de chaque officier. Non-seulement des compagnies d’ouvriers accompagnaient l’armée, prêtes à réparer partout les lignes de fer, mais on avait poussé la prévoyance jusqu’à faire disposer à Berlin les pièces des ponts que l’on supposait devoir trouver détruits. Que l’on ajoute à cela un corps très homogène d’officiers d’élite, laborieux, patiens, ambitieux, soumis à des études constantes, sous leurs ordres des troupes jeunes où étaient représentées toutes les classes sociales, où l’instruction était largement répandue, où l’intelligence dominait, où régnait un patriotisme ardent, grâce auquel, la guerre déclarée, disparurent toutes divergences d’opinion et tout froissement personnel. Enfin le gouvernement tenait dans ses caisses une réserve de 30 millions de thalers en numéraire. Ces préparatifs si complets avaient été menés avec autant de discrétion que de persistance. L’Europe en ignorait la puissance et l’étendue. On dédaignait un peu ce que l’on prenait pour des combinaisons de théoriciens de bureau; cette armée, qui n’avait pas fait ses preuves, si brièvement exercée d’ailleurs, si largement recrutée, semblait peu capable d’affronter les troupes autrichiennes. La guerre de Danemark n’avait été qu’une expérience, et elle n’avait fait oublier à personne qu’en 1850 la Prusse avait subi l’humiliation d’Olmütz, faute de pouvoir répondre par les armes aux provocations parties de Vienne.

L’Autriche s’était trop reposée sur ses souvenirs. Rien n’avait été tenté, on était resté stationnaire. A part l’artillerie, une des plus belles d’Europe, l’armement était ancien. On n’avait point pensé évidemment à une guerre en Bohême, ni surtout à la tactique nouvelle. Les Prussiens avaient quatre chemins de fer qui conduisaient à la frontière; les Autrichiens n’en avaient qu’un et encore à une seule voie, la ligne de Vienne à Lundenbourg avec des embranchemens sur Olmütz et Prague. L’aristocratie, qui remplissait l’état-major, servait avec une bravoure et un éclat incontestables; mais elle avait trop négligé ce que les « hobereaux » prussiens avaient