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tique sévère en a signalé les défauts. Un ou deux de ses récits furent publiés en français il y a quelques années; mais le bon style hollandais est revêche aux traductions françaises, et ces romans, imparfaitement traduits, tombant au milieu d’un public non préparé, ne trouvèrent pas de lecteurs. Il y a donc à son sujet une injustice à réparer. Nous parlerons d’abord de sa famille, chose essentielle à l’explication de l’un des élémens les plus intéressans de son œuvre littéraire, puis de cette œuvre elle-même, dans la- quelle nous nous bornerons à ce qu’il a fait de plus important et de plus populaire, ses romans. Van Lennep n’était pas seulement romancier, il était de plus juriste distingué, érudit, poète et auteur dramatique. Toutefois ses drames, inspirés le plus souvent par les événemens politiques, forment à tous égards la moindre partie de son œuvre. Comme poète, il s’est surtout fait remarquer par la publication, un peu avant 1830, de ses Légendes nationales (Vaderlandsche Legenden); mais, si nous exceptons une grande facilité de versification, héréditaire, semble-t-il, dans sa famille, ces poésies, imitées de celles de Walter Scott, n’offrent guère que le même genre de talent qui s’est déployé d’une manière plus originale dans la longue série de ses romans. Quant à son érudition, qui était sérieuse, c’est elle qui, habilement utilisée, a le plus contribué à lui valoir le titre de romancier national de la Hollande.


I.

Van Lennep appartenait à une famille ancienne et distinguée d’Amsterdam. Lui-même a pris la peine d’en retracer les origines dans un ouvrage en trois volumes consacré à la biographie de son père et de son grand-père. Si, dans la rédaction de cet ouvrage, l’auteur a un peu trop cédé au plaisir qu’on éprouve à parler des siens, les événemens politiques auxquels ces deux hommes de valeur se trouvèrent activement mêlés font de cette double biographie un document des plus instructifs de l’histoire des partis et des idées en Hollande depuis 1750 environ jusqu’à une époque très rapprochée de la nôtre. Cornelis van Lennep, le grand-père, était membre de ce patriciat républicain d’Amsterdam qui avait toujours tenu tête aux prétentions du parti orangiste. Magistrat municipal, il se rangea du côté des patriotes, c’est-à-dire des citoyens qui voulaient introduire des réformes dans la constitution oligarchique des Provinces-Unies, et il fut de ceux que la réaction prusso-orangiste éloigna des affaires en 1788. En 1795, la révolution victorieuse pénétra tout de bon en Hollande, où un parti nombreux, grossi par les abus qui avaient signalé la victoire des stathoudé-