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ploité, et, pour dire le mot, écorché, mais non pas qu’il a été complètement dépouillé, comme cela devrait être, si ces peuples n’avaient aucune idée ou aucun respect de la propriété.

Mungo-Park reconnaît certaines qualités du cœur, les unes nobles et élevées, les autres délicates chez ces mêmes populations. Les Feloups, par exemple, sont vindicatifs et violens; mais en revanche ils sont très reconnaissans, témoignent une grande affection à leurs bienfaiteurs, et ils rendent ce qu’on leur confie avec une fidélité admirable. Les Mandingues au contraire sont doux, hospitaliers et bienfaisans. C’est surtout aux femmes que Mungo-Park rend ce témoignage, et il nous donne de nombreuses et touchantes preuves de leur sensibilité et de leur pitié. « Je ne me rappelle pas, dit-il, un seul exemple de dureté de cœur chez les femmes. » Un de ses prédécesseur en Afrique, Leydyard, disait également : « Je ne me suis jamais adressé décemment et amicalement à une femme que je n’en aie reçu une réponse amicale et décente. Elles venaient à mon secours avec tant de franchise et de bonté que, si j’étais altéré, le breuvage qu’elles m’offraient en prenait une douceur particulière, et, si j’avais faim, l’aliment le plus grossier me paraissait un mets délicieux. » C’étaient pourtant là des négresses; parlerait-on avec plus d’émotion de nos plus aimables Européennes? Les pauvres esclaves conduits à la chaîne vers la côte, et dont Mungo-Park accompagnait la caravane, oubliaient leurs souffrances pour soulager les siennes. « Souvent, dit-il, ils venaient d’eux-mêmes apporter de l’eau pour étancher ma soif; ils rassemblaient des feuilles pour me préparer un lit lorsque nous couchions en plein air. »

Ce que Mungo-Park admire surtout chez les populations mandingues, ce sont les vertus et les sentimens domestiques. Malgré la polygamie, les femmes ne sont pas tenues à l’état de servitude; leurs maris leur laissent une grande liberté dont elles n’abusent pas. « Je crois, dit Mungo-Park, que les exemples d’infidélité conjugale sont rares. » La tendresse maternelle est particulièrement remarquable chez ces peuples. Un de ses compagnons de voyage était un ouvrier forgeron qui, ayant ramassé quelque argent sur la côte, retournait dans son village pour s’y fixer. « On lui amena, dit Mungo-Park, sa mère, qui était aveugle, très vieille, et marchait appuyée sur un bâton. Tout le monde se rangea pour lui faire place. Elle étendit sa main sur le forgeron, toucha ses mains, ses bras, son visage, et paraissait enchantée de ce que sa vieillesse était consolée par la présence de ce fils chéri, et de ce que son oreille pouvait encore entendre sa voix. Cette scène touchante, ajoute le voyageur, me convainquit pleinement que, quelle que soit