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Europe, et ces 8 milliards sont venus s’ajouter à un stock métallique qui pouvait être en 1800 d’environ 26 ou 27 milliards; c’est encore une augmentation de près d’un quart, et cette augmentation n’a produit presque aucun effet. Si le prix des choses a monté depuis cette époque, c’est par des raisons étrangères à la valeur des métaux précieux. Tout le monde le reconnaît, on ne diffère que sur ce qui s’est passé depuis.

Nous avons dit que quelques années après l’exploitation des mines de la Californie et de l’Australie la production des métaux précieux avait monté de 450 à 11 ou 1,200 millions par an; mais il faut déduire immédiatement ce qui a été extrait des pays avec lesquels les peuples civilisés ont peu de rapports, tels que l’Asie et l’Afrique, et qui ont dû garder à peu près tout ce qu’ils ont fourni. Reste la production du monde civilisé, qui est la seule dont il faille tenir compte. M. Michel Chevalier, à qui ses travaux remarquables sur la matière ont acquis une compétence toute spéciale, l’estimait en 1865 à 14 milliards. Ajoutons-y 3 milliards pour les trois années qui se sont écoulées depuis; nous voici à 17 milliards, dont il faut retrancher encore ce qui a été exporté en or et en argent vers ces mêmes pays peu civilisés, qui ne rendent guère ce qu’on leur envoie en fait de métaux précieux, tels que l’Inde, la Chine et le Japon. M. Michel Chevalier en portait le chiffre en 1865 à 3 milliards 311 millions. Il faut retrancher en second lieu ce qui a été perdu par usure et par accidens, tels que naufrages, enfouissemens, et comme cette perte repose sur l’ensemble du stock métallique, elle doit être très considérable. Les appréciations à cet égard ne peuvent être que très hypothétiques, et elles varient beaucoup. Suivant les uns, la perte serait de 1/2 pour 100 par an pour l’argent et de 1/4 pour 100 pour l’or; d’autres, l’évaluant plus haut, la font monter jusqu’à 1 pour 100 de l’ensemble. Nous ne chercherons pas quelle est l’opinion la plus probable. La précision sur ce point n’a qu’une importance secondaire dans la question que nous traitons. Il nous suffit d’avoir un chiffre approximatif, et, si nous portons en bloc la perte, pour frais et accidens de toute nature, à 1/2 pour 100, soit à 200 millions par an et à 4 milliards pour vingt ans, nous ne serons pas très éloignés de la vérité. Nous aurons donc 7 milliards et demi environ à retrancher définitivement des 17 fournis par l’exploitation des mines qui nous alimentent directement. Resteraient 9 milliards et demi ou 10 milliards pour l’accroissement des métaux précieux depuis 1848. M. Newmarch, dont nous suivons volontiers les calculs, a trouvé qu’en 1848, déduction faite de toute perte, il pouvait y avoir dans les pays civilisés, en Europe et en Amérique, pour 34 milliards de métaux précieux (chiffres