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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/960

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IMPRESSIONS DE VOYAGE
ET D’ART.

Je rassemble ici quelques impressions et quelques souvenirs d’une excursion de six semaines en Belgique et en Hollande. La littérature de voyage est une des modes de notre temps, et nous devons à cette mode quelques chefs-d’œuvre et nombre de récits agréables; cependant il est un défaut que je voudrais rencontrer plus rarement dans les productions qu’elle enfante. Ce défaut, c’est le désir d’être trop complets, qui semble tourmenter outre mesure nos modernes voyageurs. Eh! qu’importe qu’ils soient incomplets, pourvu que leurs observations portent la marque de leur propre personnalité? A la vérité on peut bien, en quelques semaines, voir par les yeux du corps et même de l’intelligence tous les trésors que contient un pays; mais les sentir tous également bien est chose impossible, les forces de l’esprit et celles du corps n’y suffisent pas, car la contemplation est de tous les plaisirs le plus difficile à prolonger et le plus épuisant. Il est possible à toutes les heures de la journée de se rendre compte du sujet, de la composition, des qualités techniques et de métier d’une œuvre d’art, de rassembler et de grouper les circonstances historiques qui ont présidé à sa formation, ou au milieu desquelles elle s’est produite; mais plus rares sont les heureuses minutes où, sous l’influence de l’admiration et de la sympathie, nous découvrons qu’elle répond à quelque chose qui est en nous, où notre vie et la sienne s’associent, où en même temps que nous pénétrons dans ses profondeurs cachées, elle de son côté semble aussi pénétrer en nous et nous découvrir des sentimens que nous n’y soupçonnions pas. Voulez-vous