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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre 1868.

Notre monde va comme il peut à travers des incidens qui ne peuvent arriver à être des événemens, occupé tour à tour des questions intérieures qui s’aigrissent, des morts qui s’en vont, des conflits qui s’apaisent ou se réveillent. Il a certes fort à faire pour garder une impression juste des choses à mesure qu’elles se succèdent. Nous n’avons pas eu heureusement le 3 décembre la grande manifestation à laquelle on avait fini presque par croire, tant on s’était plu à en évoquer le fantôme ; mais nous avons eu le plus vaste déploiement de forces militaires, les bataillons attendant l’arme au pied, les Brigades de police en campagne, comme à l’heure des conflagrations intérieures, puis tout est rentré dans le calme : en fin de compte, on n’avait rien vu, personne n’avait tenté l’assaut du cimetière Montmartre. Nous n’avons pas non plus heureusement cette campagne d’hiver contre la Prusse, qu’on nous promettait presque. Le Rhin allemand roulé ses eaux tranquilles, nous ne l’avons pas remis encore dans notre verre ; mais voilà que des nuages se montrent de nouveau vers l’Orient. La politique roumaine vient de passer par une crise qui n’est peut-être pas arrivée à une solution définitive en présence de l’agitation des partis ; les mésintelligences de la Turquie et de la Grèce se sont envenimées subitement, et n’ont qu’un pas à faire pour devenir une rupture. Ces nuages ne s’évanouiront-ils pas à leur tour, comme l’insurrection du 3 décembre ? Ils viennent du moins jeter une ombre sur cette paix qu’on croyait raffermie, ils ravivent le sentiment d’une situation précaire qu’on étaie sur un point, et qui a toujours l’air de s’effondrer d’un autre côté.

Il est certain que cette éternelle question d’Orient est et sera longtemps encore la source d’une multitude de conflits, de mille embarras qui n’auraient rien de bien menaçant, s’ils pouvaient être réduits à eux-