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crime. Les malheurs sont vite arrivés. On est femme, on est faible; on s’immole, et le monde, qui n’entre pas dans ces détails de conscience, nous jette la pierre à coup sûr, soit que nous laissions courir un jeune homme à sa perte, soit que nous le sauvions à nos risques et périls. Qu’en dites-vous, monsieur de Rouvray? J’ai été faible, j’en conviens. Convenez à votre tour que je n’ai pas été coquette...

HENRI.

Vous avez été la meilleure et la plus adorable des femmes, et celui qui dirait autrement serait le dernier des bélîtres.

DIANE.

L’avant-dernier.

HENRI.

C’est vrai !

DIANE.

Car enfin je me suis engagée, moi, sans demander ni garanties, ni réciprocité, ni reconnaissance même. J’ai tout donné à un jeune homme qui ne me promettait rien, qui n’avait le droit de rien promettre. Je n’ai rien stipulé, rien calculé, rien prévu.

HENRI.

Il n’y a que les braves cœurs pour s’aventurer ainsi, et moi-même...

DIANE.

Laissez-moi dire... Votre ami...

HENRI.

Je ne suis pas tellement son ami. Et sans la parenté lointaine qui nous lie...

DIANE.

Votre cousin, soit. Anatole m’a compromise autant qu’il l’a voulu. Je n’ai pas marchandé ma perte. Du jour où mon honneur est devenu le sien, je n’ai pas cru devoir en prendre plus de soin que lui-même. Ma porte lui a été toujours ouverte. Ma famille, mes gens, mes amis, les siens, le monde, ont su de notre amour tout ce qu’il a trouvé bon d’en laisser voir.

HENRI.

L’héroïsme de l’imprudence !

DIANE.

En vraie morale, je ne risquais rien. Libre, je m’unissais à un homme libre, qui tôt ou tard, s’il avait eu du cœur, devait se mettre en règle avec l’usage et la loi.

HENRI.

Les parens...

DIANE.

Leurs droits cessent à l’âge où l’homme peut se gouverner lui--