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améliorés et fortifiés, des chantiers de construction s’ouvrirent, le commerce prit de l’essor. Lorsque La Bourdonnaye reparut dans sa patrie au bout de cinq ans, la guerre était imminente. Il eut l’éloquence de convaincre le cardinal Fleury, alors ministre tout-puissant, et les directeurs de la compagnie des Indes que rien ne serait plus avantageux, en cas de collision avec l’Angleterre, que de se montrer avec des forces supérieures dans les mers de l’Asie, et d’y ruiner les établissements anglais. On eut confiance en lui, il repartit pour l’Île de France avec une flotte de cinq navires armés et équipés pour la guerre ; mais à peine avait-il eu le temps de faire voir à cette escadre la côte de Coromandel que le timide cardinal, effrayé d’un armement qui ressemblait à une manifestation belliqueuse, lui expédia l’ordre de renvoyer ses navires en Europe. Peu de mois après, la guerre était déclarée ; les croiseurs anglais saisissaient les bâtimens français dans toutes les directions. Dupleix, menacé dans Pondichéry, réclamait avec instance l’aide de La Bourdonnaye. L’amiral, posté sur la route de l’Inde, se voyait avec douleur hors d’état de secourir ses compatriotes. On eut alors l’exemple de ce qu’un gouverneur habile et énergique est capable de faire dans les circonstances les plus défavorables. Les guerres duraient longtemps au XVIIIe siècle. La Bourdonnaye improvisa une flotte, partie en construisant lui-même des navires, partie en retenant, bon gré, mal gré, ceux qui relâchaient à l’Île de France. Par bonheur, du renfort lui vint de la métropole. Au mois de mars 1746, il mit à la voile avec neuf bâtimens ; les canons n’étaient pas en nombre suffisant pour garnir les sabords, les vivres manquaient, les équipages étaient composés de nègres pour un tiers ; en dépit de ces contre-temps, La Bourdonnaye se dirigeait vers Pondichéry, comptant sur la fortune pour suppléer à ce qui lui manquait. À peine a-t-il perdu de vue l’Île de France, qu’un de ces effroyables ouragans, comme on en éprouve trop souvent dans l’Océan indien, disperse la flotte ; elle se rallie dans la baie d’Antongil, au nord-est de Madagascar. Après quarante-huit jours perdus en réparations, elle met de nouveau à la voile ; au large de Négapatam, elle livre un combat indécis aux Anglais ; ceux-ci, mal commandés et trop prompts à perdre courage, se replient sur Trincomalé. La route de Pondichéry est libre ; l’escadre aux ordres de La Bourdonnaye mouille devant cette ville le 8 juillet 1746.

Voilà Dupleix et La Bourdonnaye réunis ; que vont-ils faire ? Les événemens qui suivent méritent d’être racontés avec quelque étendue, parce que le récit qu’en présente M. Malleson diffère notablement des idées courantes. Les historiens incriminent la conduite de Dupleix ; c’est au contraire à La Bourdonnaye que l’auteur anglais,