parole, dépourvue de cet éclat, de cette pompe orientale familière aux Magyars, éclairait d’une vive lumière tous les sujets, découvrait le côté faible de l’adversaire et le réfutait avec une logique impitoyable. Au sein d’une assemblée portée à l’exagération et aux écarts de la parole, l’enchaînement rigoureux de ses idées et sa modération, qui ne lui faisaient demander que ce qui était immédiatement réalisable, lui assuraient une prépondérance incontestée. Guider un parti d’opposition enclin naturellement à tout pousser à l’extrême, le’ discipliner, lui donner de la cohésion, la chose n’est nulle part facile; elle l’est bien moins encore en Hongrie par suite de l’ardeur du tempérament et de la susceptibilité des amours-propres. Il y parvint néanmoins sans effort, sans nulle habileté calculée, par le seul effet de sa façon de penser et d’agir. Il évitait toujours de blesser la vanité de ses amis et même celle de ses ennemis; jamais il ne faisait sentir sa supériorité ni ne se portait au premier rang; il s’efforçait de procurer à ses adhérens l’occasion d’exposer leurs idées et de faire valoir leur mérite. Enfin, quand il exprimait son opinion, il le faisait simplement, avec une sorte de défiance de lui-même et sans vouloir l’imposer aux autres; tous s’y ralliaient néanmoins, parce qu’ils comprenaient qu’elle était la meilleure à suivre.
La diète de 1832 à 1836 est une des plus importantes de ce siècle pour l’histoire de la Hongrie. D’abord vinrent les débats au sujet des grawamina, c’est-à-dire des griefs que l’opposition élevait à la charge d’un gouvernement qui ne pouvait s’habituer à respecter les antiques privilèges de la nation magyare, et qui à tout moment les violait ouvertement ou en méconnaissait l’esprit. La chambre aborda ensuite les projets de réforme sociale. L’opposition demandait l’égalité pour tous et l’abolition des privilèges. Les nobles ne payaient aucun impôt parce qu’ils étaient tenus seuls au service des armes. Tous devaient faire partie de « l’insurrection générale » ou levée en masse qui avait jadis combattu les Turcs, et qui durant les guerres contre Napoléon avait encore fourni 50,000 hommes. Maintenant que la conscription était introduite, il ne restait aucun prétexte à cette exemption de l’impôt, d’autant plus injuste qu’elle était invoquée par un nombre plus grand d’individus. Les paysans, affranchis du servage depuis la fin du siècle dernier, supportaient toutes les charges, et étaient tenus de cultiver par corvées les terres des seigneurs. Ce qui rendait ce régime inique moins intolérable, c’est que « l’imposition royale » était fixée par la loi à une somme d’environ 5 millions de florins, dont le recouvrement s’effectuait par les percepteurs du comitat, et dont la rentrée était loin d’être régulière. Il faut le redire à l’honneur de la haute noblesse hongroise, ce fut