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à de nouvelles applications. Il aurait fallu pour amener ce résultat l’absence complète d’impôt. L’accroissement de la consommation qui suivrait une telle mesure, soit dans l’agriculture, soit dans d’autres branches de la production, au grand profit de la richesse publique, ne saurait être l’objet d’un doute. L’accroissement de la consommation a été de plus de 300 pour 100 en Angleterre depuis la suppression des droits en 1825. On ouvrirait ainsi aux marais salans de l’ouest des perspectives assez larges pour écarter toute inquiétude relativement à la concurrence des autres centres de production. La perte du trésor serait moins lourde qu’il ne semble, si l’on retranche du produit annuel de l’impôt, évalué à 33 millions, le chiffre des frais de perception qu’occasionne une surveillance difficile, exercée par un très nombreux personnel. On peut croire, sans se montrer téméraire, que le sacrifice serait amplement compensé par l’essor de plusieurs autres branches du revenu public. Il est malheureusement à craindre que l’état présent de nos finances ne fournisse contre l’abolition immédiate de cet impôt une objection de circonstance. Si l’on se trouve forcé d’ajourner le remède véritable, c’est une raison de plus d’appliquer tout de suite ceux qui, sans supprimer la gêne, peuvent du moins empêcher la crise de devenir tout à fait irréparable.


II.

Il suffit de jeter les yeux sur la carte et de considérer les rivages de l’Océan à droite et à gauche de la basse Loire pour juger que la topographie locale s’adapte merveilleusement aux exigences de la pêche côtière. Entre les nombreuses pointes hérissées de récifs qui semblent lui jeter un défi, la mer a pénétré plus ou moins profondément dans les terres, échancrant la côte de la façon la plus capricieuse. Ce ne sont que baies, rades, anses, criques, refuges prédestinés pour les barques. Aussi les pêcheurs sont-ils nombreux; cependant une pêche spéciale, celle de la sardine, y domine toutes les autres. Elle règne à peu près exclusivement au Croisic, à la Turballe, au Pouliguen, à Piriac. Elle occupe dans ces ports près de deux cents bateaux, la plupart dans les deux premiers, qui sont en même temps de grands marchés ouverts au commerce de la sardine.

Cette pêche commence en mai et dure six ou sept mois par an. Chaque printemps, la sardine arrive à époque fixe sur les côtes méridionales de la péninsule armoricaine. L’armée émigrante vient du sud; mais quel est son point de départ? On l’ignore. Dans l’arrière-saison, quelques colonnes descendent aussi du nord le long des