pour rester modéré et calme aux milieu des excitations des cent-jours, même pour avouer qu’on avait pu se tromper pendant la première restauration. Cette nouvelle épreuve, au lieu d’aigrir et d’exaspérer Louis XVIII comme bien d’autres, n’avait fait que l’affermir dans son goût pour un régime modéré et pour la charte. Il n’y avait donc rien de perdu; mais une charte n’est qu’une charte, et les situations politiques sont ce que les passions les font.
Tout le monde ne comprenait pas la restauration comme Louis XVIII ou comme M. Royer-Collard. Auprès du roi éclatait en quelque sorte un parti plein de ressentimens et de colères, d’autant plus dangereux qu’il rentrait avec l’ivresse d’une victoire inespérée. Chose étrange, au lieu de parler avec dignité des malheurs du pays, comme le faisait le gouvernement, au lieu de songer à guérir la blessure faite à l’orgueil national par l’invasion, il se plaisait à l’irriter : il se vantait d’être revenu par l’étranger, de régner par l’étranger, il faisait de la royauté restaurée l’exécutrice odieuse de la sainte-alliance sur la terre française. Au lieu de s’appliquer à rassurer les intérêts créés par la révolution et par l’empire, il ne perdait pas une occasion de les effrayer, de les menacer, et avec un acharnement dont on n’a plus l’idée il rédigeait des adresses, il enflait la voix pour demander au roi « des justices, » c’est-à-dire des vengeances. La charte elle-même, ces étranges royalistes se faisaient un jeu de l’affaiblir dans son caractère en la représentant comme une œuvre sans sincérité, comme une concession dangereuse que la royauté était libre de retirer, et en définitive, à leurs yeux, l’histoire de France depuis vingt-cinq ans n’avait été qu’une grande bataille où la révolution était d’abord restée victorieuse, où c’était maintenant à l’ancien état social de renaître par les mêmes moyens. Puissans à la cour, dans les salons, dans le parlement, ces royalistes ne dominaient pas, mais ils semblaient dominer. Que devait-il en résulter? C’est qu’à l’autre extrémité du monde politique tous les instincts et les intérêts menacés ne pouvaient que s’émouvoir et s’aigrir dans une incurable méfiance, s’accoutumant dès lors à faire peser sur la restauration elle-même la responsabilité de tout ce que disaient ou méditaient ses dangereux défenseurs, et se rejetant dans des conspirations où se nouait la bizarre alliance des partisans de la révolution et des partisans de l’empire sous un drapeau libéral. Entre ces deux camps ennemis se tenait un gouvernement modéré, mais incertain, résistant aux uns et aux autres, et luttant laborieusement contre la fatalité des passions extrêmes.
Il y a pourtant un moment, après les premières explosions de 1815, où la restauration semble avoir choisi sa voie et s’être fixée dans sa politique. C’est cette période des ministères du duc de Ri-