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un excellent travail intitulé : De la production et de la démonétisation de l’or, et publié ici même[1], et elle est parfaitement juste. Plus on est rapproché des marchés où s’accomplissent de grands changemens, plus on est exposé à en subir les influences. L’or qui se produit en Californie et en Australie passe par bien des étapes avant de nous parvenir. Il sert d’abord à augmenter la circulation du pays même où il est extrait, puis il va dans les grands centres commerciaux avec lesquels ce pays est en rapport. Ceux-ci le revendent à d’autres, et quand il arrive à sa destination définitive, il a exhaussé le niveau de plusieurs canaux sans en faire déborder aucun; il en est autrement quand il s’agit d’un changement brusque de système monétaire, comme celui de la Hollande en 1850, et qu’il faut tout à coup remplacer 400 millions d’or par 400 millions d’argent. Il était impossible qu’en France nous n’en fussions pas très affectés à cause de l’état de notre circulation, qui était alors tout en argent. Nous fûmes particulièrement chargés de vendre le métal qu’on recherchait et de prendre celui qu’on refusait. De là une variation de valeur assez rapide entre les deux métaux.

On voulut aussi à ce moment nous entraîner à suivre l’exemple de la Hollande, à prendre l’argent comme monnaie exclusive au lieu de l’or, dont on prédisait l’avilissement prochain. Notre gouvernement eut la sagesse de résister. Bientôt après, les choses avaient complètement changé de face, l’or était graduellement entré dans la circulation, et la substitution à l’autre métal s’était faite sans secousse et sans compromettre aucun intérêt. Le changement de valeur qui avait amené cette substitution était si minime qu’on s’en était à peine aperçu, et qu’il ne pouvait pas être mis en balance avec les avantages qu’on trouvait à posséder une monnaie plus commode et d’un transport plus facile ; personne ne s’en plaignit, et aujourd’hui on est tellement habitué à la monnaie d’or, elle a tellement pris sa place dans la circulation, qu’on l’en verrait sortir avec infiniment de regret. Aussi quand on examine le principe du double étalon et qu’on cherche s’il n’y a pas à le modifier, c’est non plus pour expulser l’or, mais pour savoir s’il doit régner seul ou conjointement avec l’autre métal sur les bases établies par la loi de germinal. D’ailleurs, en dehors de toute autre considération, la question n’est plus entière comme au lendemain de la découverte des mines de la Californie et de l’Australie. A ce moment, la circulation des pays qui avaient le double étalon, la nôtre surtout, étaient presque exclusivement en argent. Le sacrifice à faire, s’il y en avait un, eut été peu considérable; mais aujourd’hui que la

  1. Voyez la Revue du 15 août 1852.