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le montant dans notre circulation. C’est une grande erreur. C’en eût été une au moins lorsque l’argent jouissait d’une prime. Dans ce moment-là, bien qu’en possession légale du double étalon, nous n’avions en réalité qu’une monnaie en circulation, qui était l’or. L’argent avait disparu, il était devenu une marchandise qu’on ne se procurait plus que chez les gens qui font métier de la vendre, c’est-à-dire en la payant le prix qu’elle vaut. Avec le double étalon, on n’a pas, comme on dit, deux cordes à son arc; on n’en a toujours qu’une, et la moins bonne, et nous ne voyons pas comment notre situation eût été plus embarrassée, si l’argent avait été démonétisé. Nous l’aurions acheté sous forme de lingots au lieu de l’acheter sous forme de monnaie, et les frais de refonte eussent été en moins. Pour être en parfaite relation avec une contrée, il faut avoir non-seulement le même métal qu’elle comme signe monétaire, mais encore posséder le même type. La pièce de 5 francs argent n’a pas cours au-delà du Rhin, en Hollande et en Allemagne, et, avant de l’envoyer dans ces pays, il faut préalablement la convertir en florins ou en thalers. La possession du même métal ne tranche que la moitié de la difficulté, si elle en tranche la moitié, car aujourd’hui la monnaie d’or est reçue partout, et nous considérons comme un fait que, même vis-à-vis des pays qui ont l’étalon d’argent, les règlemens sont plus faciles avec l’or qu’avec l’autre métal frappé à un type différent. Par conséquent l’argument tiré de l’avantage d’avoir un double étalon pour répondre à de doubles besoins n’a aucune valeur. Le maintien de l’étalon d’argent ne fait pas que ce métal reste dans la circulation, et de plus on peut parfaitement y suppléer.

Nous arrivons à un autre prétendu avantage du double étalon qui ne paraît pas avoir plus d’importance. On dit : Lorsque vous n’avez qu’un étalon monétaire, qu’il soit d’argent ou d’or, vous êtes livrés à toutes les oscillations de. valeur que peut subir ce métal; qu’il devienne tout à coup très abondant, et immédiatement vous en subissez la dépréciation. Si au contraire vous avez conservé les deux étalons avec un rapport de valeur entre eux fixé par la loi, comme il est rare qu’ils deviennent tous les deux très abondans à la fois, la dépréciation de celui qui l’est le plus se trouve arrêtée par la fixité de celui qui l’est le moins. C’est ce qu’on appelle le système du parachute. Le mérite de ce système nous a toujours paru incompréhensible. Comment, avec la faculté qu’on a, qu’on ne peut pas enlever, de fondre et d’exporter la monnaie qui a le plus de valeur et le droit que possède le débiteur de payer avec celle qui en a le moins, l’une peut-elle servir de parachute à l’autre? Parce qu’on laisserait inscrit dans la loi que la pièce de