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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/398

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des saucisses en hiver. Cela mérite une récompense. Fritz, mon ami, continua le magistrat en ouvrant la fenêtre, descendez de cet arbre; il pleut, vous pourriez vous enrhumer.

On parle de certain animal nommé, je crois, le paresseux, qui met une semaine entière à monter sur un arbre et tout autant à en descendre. Fritz Sahlmann interpellé par son patron et dégringolant à regret de son perchoir avait des allures qui rappelaient ce phénomène d’histoire naturelle. Arrivé en bas, on le vit plongé dans une méditation qui devait avoir pour objet un grave parti à prendre. Obéir ou s’échapper, telle était l’alternative. Docile par nature, Fritz s’avança vers la maison, mais en faisant de fréquentes haltes.

— Hanchen, dit l’amtshauptmann, pourquoi s’arrête-t-il derrière ce groseillier?

— Je l’ai vu qui jetait quelque chose.

— Ah!... très bien!... Fritz, mon ami, entrez par les derrières... Vous, Hanchen, descendez, et empêchez-le de sortir par la cour.

Grâce peut-être à cette mesure de précaution, Fritz comparut enfin devant ses juges naturels.

— Vous devez comprendre, lui dit l’amtshauptmann, qu’il ne saurait être bon pour vous de rester assis à la pluie sans rien qui vous abrite ; vous devez également vous douter que grimper aux arbres mouillés ne vaut rien pour vos pantalons... Que faisiez-vous là-haut maintenant?

— Rien au monde, herr amtshauptmann.

— Ah! J’ai peut-être mal posé ma question. J’avais surtout à cœur de savoir si vous pourriez me donner quelques nouvelles de mamzelle Westphalen. Veuillez, avant de répondre, me regarder bien en face!

Fritz, qui s’attendait peut-être à d’autres interpellations, répondit avec une sérénité parfaite qu’il n’avait aucun renseignement à fournir sur le compte de la femme de charge.

— En ce cas, Fritz Sahlmann, voici un couteau. Descendez me couper une branche de noisetier, grosse... voyons donc,... grosse comme votre doigt du milieu... Vous avez oublié quelque chose derrière un groseillier; Hanchen va vous aider à trouver cet objet, que vous me rapporterez, cher enfant.

Fritz Sahlmann, qui voyait s’ouvrir devant lui quelques perspectives assez sombres, avait cependant confiance en deux choses qui lui étaient déjà venues en aide dans mainte crise, d’abord la Providence, qui contrecarrait de temps à autre les projets de l’amtshauptmann, puis une bonne étoile qui ne lui manquait pas trop souvent. Enfin, quand il se sentait en mauvaise passe, il avait recours à un paquet de papiers ad hoc, qu’il glissait adroitement