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mites d’un progrès ordinaire ; ils s’arrêtent bientôt, et ils s’immobilisent dans leur propre impuissance. La révolution espagnole a certes fait du chemin en quelques jours à sa première apparition ; depuis ce moment, die tourne sur elle-même, elle n’avance ni ne recule, et ce qu’il y a de plus étrange, c’est la facilité avec laquelle le gouvernement provisoire qui s’est institué à Madrid paraît se laisser aller à prolonger cette situation extraordinaire, sans se douter que tout s’aggrave par cela même que lout reste en suspens. Il se trouve bien, il fait des circulaires et prodigue les récompenses, il distribue les emplois et les croix d’Isabelle la Catholique, il nomme le général Prim capitaine-général, ce qui lui est bien dû, et même, dit-on, le fils du général Prim officier de l’armée, ce qui est peut-être un peu prématuré, surtout sous un régime démocralîque. Il agit, pour.tout dire, en gouvernement régulier qui ne doute pas de son omnipotence, qui se hâte d’autant moins qu’on le laisse faire, et il ne voit pas s’accumuler autour de lui les diflicultés de toute sorte inhérentes à une révolution, difficultés politiques, difficultés financières.

Jusqu’ici, on a vécu avec un mot, l’union des partis, l’union à tout prix, et c’était facile tant qu’on ne s’expliquait pas. Le moment vient cependant où il faut sortir de cette commode obscurité pour aborder les points délicats ; de toute façon il faut marcher, et c’est là que les antagonismes commencent à devenir embarrassans. Les républicains, après être restés au premier instant passablement inactifs, peut-être par impuissance, par le sentiment naïf de leur infériorité, les républicains en viennent à marquer leurs dissidences ; ils relèvent leur drapeau, ils gourmandent le gouvernement provisoire, et croient l’heure favorable pour reprendre une propagande plus active. Les républicains ont laissé passer le bon moment ; ils peuvent faire des prosélytes çà et là, au total ils ne sont pas en progrès dans la masse du pays, ils n’ont pas l’air du îout de triompher, et au contraire ce sont les tendances monarchiques qui s’accentuent de plus en plus. M. Olozaga, depuis son arrivée à Madrid, n’a cessé de se prononcer pour une monarchie largement constitutionnelle. Il a formé récemment un comité pour donner l’impulsion dans ce sens, et ce comité doit avoir ses ramifications dans les provinces. Il est vrai qu’après cela, et cette nécessité d’une monarchie constitutionnelle une fois admise, on n’est pas plus avancé, car M. Olozaga continue à être aussi muet que le général Prim sur celui qui dans sa pensée doit être appelé à occuper le trône d’Espagne ; le général Serrano sera sans doute de l’opinion qui conviendra à tout le monde ; l’amiral Topete a, dit-on, son avis, mais il ne peut guère se prononcer seul. Quel était le moyen le plus simple pour en finir avec toutes ces ambiguïtés ? On aurait dû évidemment se hâter de convoquer une assemblée constituante, et le gouvernement provisoire, après mûre réflexion, vient enfin de pu-