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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/54

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perbe assurance, que les hommes modérés, les politiques, les indifférens et jusqu’aux adversaires habituels du saint-siège n’avaient pas vu d’un bon œil l’enlèvement violent du pape de Rome et sa rigoureuse détention à Savone. Il jugea donc le moment opportun, tandis que Pie VII était plus sévèrement séquestré que jamais et privé de toute espèce de communication avec les fidèles de sa communion, pour dresser contre lui un véritable acte d’accusation, pour tracer de ses relations antérieures avec la cour de Rome un historique que le prisonnier de Savone serait dans les circonstances présentes hors d’état de démentir, et qu’après les récentes sévérités dont Paris frémissait encore aucun de ses partisans les plus zélés n’oserait seulement contester. L’occasion était à ses yeux d’autant meilleure qu’en prenant soin de ne paraître que paraphraser l’adresse remise par le chapitre métropolitain de Paris, il allait trouver moyen de placer ainsi ses appréciations personnelles sous l’égide des ecclésiastiques recommandables qui en faisaient partie.


« Messieurs, leur dit l’empereur, je suis satisfait de l’exposition des principes du chapitre de Paris. Il est dans les miens de maintenir les droits de ma couronne. Je veux que la dignité de mon trône et l’indépendance de la nation ne puissent être compromises dans mes relations avec le pape. Après la cérémonie du sacre, Pie VII s’en est allé avec un vif ressentiment contre moi; j’en connais les motifs. Le premier était relatif aux propositions du clergé en 1682. Le pape, se trouvant seul avec moi, me montra une lettre de Louis XIV qui promettait de ne point ordonner l’exécution de sa déclaration sur les quatre articles. Le pape voulait que je lui en donnasse une semblable, promettant qu’elle resterait secrète... Je consultai le cardinal Fesch et d’autres prélats, qui me découvrirent l’espèce de piège qui m’était tendu... La seconde cause du ressentiment du pape vient de ce qu’il n’a pu obtenir la concession d: la Romagne... Depuis ce temps, le pape n’a pas cessé d’être dans un tel état d’irritation qu’il a tout fait en sens contraire de ce qu’auraient exigé ses intérêts temporels et ceux de la religion[1]. »


L’empereur se mit alors, avec sa verve accoutumée, à expliquer devant l’assistance émerveillée et devant les chanoines ébahis d’être ainsi mis au fait de ses grands desseins politiques comment l’unité de l’Italie, puissamment concentrée dans sa main, était nécessaire au succès de la lutte qu’il avait entreprise contre l’hérétique Angleterre. Il lui fallait pour vaincre cette nation, tout entière adonnée

  1. Sommaire de l’entretien de sa majesté avec le chapitre de Paris à l’audience du dimanche 6 janvier 1811. (Le texte de cette allocution, conservé parmi les papiers d’état du premier empire, n’a pas été inséré, comme l’ont été tant d’autres documens de cette nature, dans la Correspondance de Napoléon Ier.)