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antérieurs et par la nécessité du salut et du bien de la religion[1]. »

Il n’y avait pas à redouter que le traité à conclure marchât trop vite avec de pareilles instructions. On se demande même comment l’empereur, qui mettait en avant de si fortes exigences et ne faisait en retour aucune espèce de concession, pouvait de bonne foi s’imaginer que la négociation eût seulement chance de s’entamer. Il semble cependant qu’une préoccupation tout opposée agita surtout son esprit au moment du départ des évêques, à savoir la crainte de paraître avoir fait les premières avances au saint-père. Le 28 avril, M. Bigot de Préameneu, en transmettant aux évêques qui allaient partir pour Savone les instructions dont nous venons de donner le texte presque complet, prenait soin de leur rappeler une seconde fois, par ordre exprès de l’empereur, « qu’ils ne devaient avouer les pouvoirs dont ils étaient porteurs qu’au moment où ils verraient le pape disposé à traiter. » Sans doute ils avaient qualité pour traiter et mener la négociation à fin ; « mais ils devaient, avant de rien signer, envoyer la minute de la convention qu’ils pourraient faire, afin d’être bien assurés qu’elle aurait l’approbation de sa majesté[2]. » Tant de précautions étaient d’autant plus inutiles que les trois députés étaient censés n’avoir été envoyés en mission près du saint-père que par les prélats réunis en ce moment à Paris. Napoléon avait eu soin d’arranger toutes choses de façon à bien établir à l’égard de Pie VII qu’il était officiellement étranger à cette démarche de l’épiscopat français. S’il l’avait permise, c’était de sa part affaire de courtoisie et une preuve de sa longanimité. Il avait tenu la main au surplus à ce que les prélats qui écrivaient à Savone s’en expliquassent eux-mêmes en ce sens.


« Très saint père, disaient les évêques dans une lettre adressée au pape et préalablement concertée avec le ministre des cultes, les circonstances urgentes dans lesquelles nous place la convocation d’un concile national à Paris le 9 du mois de juin prochain pour y délibérer sur la viduité de plusieurs églises de l’empire et sur les moyens d’y remédier ont suggéré à tous les évêques français qui se trouvent en ce moment dans cette capitale le dessein d’imiter la conduite usitée de nos prédécesseurs dans toutes les grandes occasions où les intérêts de la religion ont appelé leur commune sollicitude, et nous nous sommes assemblés auprès de son éminence Mgr le cardinal Fesch, si digne par son rang et ses qualités personnelles de fixer notre confiance. Notre premier vœu, très saint-père, et notre

  1. Instructions pour M. l’archevêque de Tours et MM. les évêques de Nantes et de Trêves. Saint-Cloud, 26 avril 1811. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXII, p. 112.
  2. Lettre du ministre des cultes à M. l’archevêque de Tours et MM. les évêques de Trêves et de Nantes, 28 avril 1811, citée par M. de Barral. — Fragmens historiques, p. 254.