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envers les anciens défenseurs de la patrie, le trésor fédéral réduisait la dette, rachetait le papier-monnaie, faisait face à tous ses engagemens. La résolution était prise de tout rembourser jusqu’au dernier dollar. Si quelques discussions s’étaient élevées parfois entre les expansionistes ou partisans de l’expansion du papier-monnaie et les contractionistes, qui au contraire voulaient le réduire, elles s’étaient toujours terminées à l’avantage de ceux-ci. Le ministre Mac-Culloch avait même obtenu du congrès l’autorisation formelle de racheter pour 4 millions de dollars de greenbacks tous les mois. Quant à la dette proprement dite, sauf quelques démagogues ou excentriques qui prêchaient la banqueroute, tout le monde y voulait entièrement faire honneur.

Jusque-là tout allait bien, et l’on n’aurait éprouvé aucune difficulté sérieuse, si la prospérité publique n’avait eu gravement à souffrir de ces sacrifices trop prolongés. Pendant longtemps, l’essor de la richesse nationale avait à peine semblé se ralentir : les rentrées des impôts étaient faciles, les revenus de l’état se soutenaient parfaitement et tendaient au contraire à grossir ; mais depuis l’an dernier il n’en était plus de même : l’appauvrissement du pays se manifestait par la baisse des revenus publics. Le commerce languissait, l’agriculture était écrasée par les taxes, l’industrie, malgré d’énormes tarifs protecteurs, se mourait d’inanition.

Les planteurs du sud, déjà aux trois quarts ruinés, aux prises avec les premières difficultés de l’organisation du travail libre, accablés par les mauvaises récoltes et par la taxe d’exportation si onéreuse que le congrès avait établie sur les cotons dans l’intérêt des manufacturiers des états de l’est, renonçaient à cultiver leurs terres et émigraient vers le nord. L’industrie des cotonnades n’était pas moins compromise dans la Nouvelle-Angleterre que la culture du coton dans le sud. Lors de la collection de l’income-tax au bout de l’année fiscale, les déclarations des contribuables avaient accusé une diminution effrayante de la fortune publique. Bon nombre des plus gros revenus du pays avaient baissé des deux tiers, quelques-uns étaient réduits à presque rien. Ce malaise commençait à gagner jusqu’aux classes laborieuses, peu accoutumées en ce pays à sentir la gêne. Les taxes, vainement surélevées, refusaient de produire la somme indispensable au trésor pour payer l’intérêt de la dette et fournir aux services publics. Bien que dans l’évaluation des revenus de l’état le ministre Mac-Culloch eût tenu grand compte de la fatigue générale, la réalité restait encore au-dessous de ses prévisions. Pour les six derniers mois de l’année 1867, l’inland revenue (contributions indirectes), qui l’année précédente donnait encore 155 millions de dollars, n’en donnait plus que 100 à peine au lieu de 106 qu’on croyait pouvoir