ne permettait à ses adeptes que la jouissance des rares plaisanteries semées ça et là dans ses conceptions tragiques. De l’autre côté régnait un dégoût du sérieux dans lequel il entrait autant d’ennui de la tragédie usée que de scepticisme moqueur à l’égard du drame. Le public de Scribe ne croyait pas au lyrisme de la passion, il entrevoyait confusément les laideurs que ces beaux dehors servaient quelquefois à cacher, il aimait mieux nier la passion et en rire. Plongé dans les réalités de la vie, les folies sublimes le scandalisaient ou le trouvaient incrédule ; les petites erreurs corrigées par les petits moyens lui plaisaient bien davantage. Les drames modernes, fussent-ils toujours des perles, — ce qui n’était pas le cas, — ne valaient pas pour lui le grain de mil que réclamait sa frivolité. La vieille Melpomène n’était pas plus heureuse. Gardez-vous de croire que les principes littéraires fussent de quelque poids dans ses jugemens. Le laticlave et le cothurne l’ennuyaient encore plus que les « bonnes lames de Tolède » et les souliers à la poulaine. Scribe ne parodiait pas moins la tragédie que le drame. Si nous n’avions pas eu les réalistes, on pourrait dire que personne n’a plus fait pour détruire la hiérarchie littéraire. Dans un temps où l’on abusait du grandiose, de l’excessif, du colossal, se plaire dans les petits ressorts et dans les paradoxes légers, — côte à côte avec des rivaux qui ne parlaient que de génie, ne se piquer que d’esprit, en avoir toujours et du plus facile, — voilà tout le secret de Scribe. Joignez-y des peintures superficielles, mais qui ne troublaient jamais le spectateur, un dialogue haché menu, mais qui ne se reposait pas, point de style, mais beaucoup de gaîté, des plaisanteries sans relief et pourtant coulant de source, pas un atome de sérieux ni d’élévation, mais une réserve de bon goût et une absence complète de prétentions ; le moyen de s’étonner ensuite du succès ! Scribe et son public s’accordaient si bien qu’il n’y avait ni bons ni mauvais moyens pour insinuer entre eux un malentendu. La critique était contre lui, contre lui les confrères, les cabales, les premières représentations ; il réussissait malgré la critique, les confrères, les cabales, et contre ces redoutables premières représentations qui décident aujourd’hui sans appel. Alors la salle de la première soirée n’était pas convertie en ce qu’on appelait à Rome la « tribu prérogative, » le premier vote ne décidait pas de tout, le suffrage universel n’avait pas communiqué aux spectateurs je ne sais quel besoin de faite nombre et quelle peur d’être en minorité. Le succès fut tel que vers 1843, date de l’échec des Burgraves, la comédie, c’est-à-dire un seul homme et ses collaborateurs, resta maîtresse du théâtre. La chute du drame fit si peu de bruit que l’on s’en aperçut à peine. Il semblait qu’il allât rejoindre dans sa tombe la tragédie, qu’il avait enterrée. Sauf la
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