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difficile d’en dire autant de la fabrication, qui bien souvent laisse à désirer. Les nécessités imposées par les exigences du commerce semblent être les seules dont on veuille tenir compte. Ce qu’on demande aux monnaies maintenant, c’est de pouvoir être empilées facilement. La conséquence d’un tel système saute aux yeux. On ne fait plus que des monnaies trop plates, très aptes à être placées l’une sur l’autre, comme les dames d’un trictrac, et qui n’ont plus ce qui constitue la beauté même d’une pièce, le relief de l’effigie. Certes ce ne sont pas les graveurs de talent qui font défaut ; mais celui qui est chargé des poinçons de la monnaie doit obéir lui-même à cette loi pénible qui à l’utilité pratique sacrifie toute autre considération. Ne pourrait-on pas cependant donner à nos pièces courantes l’ampleur de forme qui convient à la monnaie d’un grand peuple ? On ne doit sans doute pas exiger qu’une pièce d’or ou d’argent soit une médaille ; mais la difficulté peut être tournée. Qui empêcherait de creuser légèrement en cuvette le champ des pièces et d’en relever le listel ? De cette façon, le relief pourrait être très accentué et n’apporterait aucun obstacle à l’empilage. Peut-être, si l’on adoptait cette disposition nouvelle, faudrait-il augmenter la force des presses monétaires ; mais un tel détail est insignifiant, et ne devrait point empêcher l’administration de réaliser une amélioration désirable.

Il faut reconnaître que les presses, admirables instrumens de précision, ne peuvent donner au flan qu’on leur présente la beauté d’exécution qu’on remarque sur les coins. Les procédés mécaniques infligent une uniformité monotone aux plans de l’effigie, n’en accusent point suffisamment les parties saillantes et n’arrêtent pas les contours par ces lignes à la fois grasses et fermes que nous admirons encore sur les monnaies antiques ou même sur certains pieds-forts de Henri II et de Louis XIII. Ces défauts doivent-ils être attribués à la presse ? On peut le croire, car, lorsqu’on voit côte à côte deux pièces sorties du même coin, l’une frappée au balancier, l’autre frappée à la presse, on reste saisi de surprise. Autant la première est précise et nette jusque dans les linéamens les plus fins, autant elle accuse l’arcade sourcilière, qui donne une si puissante valeur aux profils des médailles, autant elle est harmonieuse dans l’ensemble et délicate dans le détail, autant la seconde paraît plate et effacée, comme si le métal n’avait pas pénétré dans toutes les intailles du coin. On pourrait dire de l’une qu’elle est une statue originale, et de l’autre qu’elle en est le surmoulage. Une modification habile dans nos presses amènerait certainement à cet égard des résultats excellens, et nos monnaies pourraient être alors irréprochables au point de vue de la beauté, comme déjà elles le sont au point de vue du titre et du poids. La forme a une importance