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jusqu’au bureau même, qui s’ouvre par une caisse où l’on enregistre toutes les matières précieuses apportées et destinées à recevoir le poinçon du contrôle. Les pièces reçues le matin sont vérifiées et rendues le jour même. C’est là, dans une sorte d’antichambre, que les apprentis, les garçons de magasin, attendent les bijoux qu’ils doivent enfermer dans la boîte de fer rattachée à leur cou par une chaîne solide. Lorsque les matières ont été inscrites, elles sont envoyées, ayant chacune un bulletin indicatif, à la salle des essais, où devant des établis des hommes proprets, silencieux, sont assis ayant près d’eux les instrumens spéciaux qui leur sont nécessaires. Sur toute pièce assez considérable pour qu’on puisse en la grattant enlever un gramme de métal, on recueille la prise d’essai, c’est-à-dire la petite quantité de métal qui sera soumise aux expériences docimastiques, et on la transmet immédiatement au laboratoire, laboratoire glorieux, car Gay-Lussac y découvrit en 1829 le procédé d’essai de l’argent par la voie humide. Là, grâce aux manipulations de deux chimistes éminens, assistés d’aides rompus à toutes les difficultés pratiques du métier, on détermine d’une façon précise à l’aide de la prise d’essai le titre de chacun des objets apportés au bureau de la garantie. Le laboratoire est petit, étroit, insuffisant, parfaitement éclairé par une large fenêtre, mais tellement chauffé par les fourneaux que parfois le séjour en devient intolérable. Un mobilier neuf ne le déparerait pas ; il y a là un certain canapé jaune en velours d’Utrecht qui date sans doute du temps où M. de Laverdy était contrôleur des finances. Dans cet espace resserré, où sept et huit personnes doivent toujours être en mouvement et ne se heurter jamais dans la crainte de compromettre leurs opérations délicates, le travail est incessant de neuf heures du matin à trois heures de l’après-midi. Les prises d’essai apportées sur de minces coupelles en cuivre, numérotées et munies d’un signalement particulier inscrit sur une fiche de papier, se succèdent sans interruption, et passent, selon qu’elles sont d’or ou d’argent, par toutes les phases curieuses de la coupellation ou de la voie humide. Une cuillère d’argent, une tabatière, une cuvette de montre en or, sont expérimentées avec autant de soin qu’une brève de plusieurs millions.

Lorsqu’une pièce échappe par la ténuité ou la finesse du travail à la prise d’essai destinée au laboratoire, elle est appréciée au touchau, qui, sans pouvoir fixer rigoureusement le titre, peut du moins permettre de constater qu’il ne s’éloigne pas des tolérances acceptées. Le touchau se compose d’une pierre de touche, d’un flacon d’acide nitrique et d’un trousseau de barrettes de cuivre dont chacune porte soudé à l’extrémité un échantillon d’or de titre déterminé. Tous les ors de couleur qui sont le résultat d’alliages avec