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qu’exige de nous le profond respect dû par les évêques au chef de l’église universelle. Leur confiance et l’autorité de notre ministère ne seraient point affaiblies, et ils montreraient moins de répugnance pour un nouvel ordre de choses que des circonstances impérieuses et la nécessité de pourvoir à leurs besoins spirituels nous auraient forcés d’adopter[1]. »


La commission avait fini son travail le 4 mars 1811. Elle le remit aussitôt au ministre des cultes, et celui-ci le présenta à l’empereur, qui en parut très satisfait. Néanmoins, avant d’arrêter aucune détermination. Napoléon prit le parti de réunir en sa présence tous les membres de la commission ecclésiastique, ceux de ses conseillers d’état qu’il avait jadis invités à délibérer en comité secret sur les affaires ecclésiastiques et tous les grands dignitaires de l’empire, parmi lesquels figuraient non seulement l’archi-chancelier Cambacérès, mais aussi le grand vice-électeur, le prince de Talleyrand. Cette séance extraordinaire eut lieu aux Tuileries le 16 mars. Napoléon savait parfaitement à quel point les décisions qu’il avait pour ainsi dire arrachées aux évêques de la commission leur avaient coûté à prendre, et qu’ils ne les avaient adoptées qu’à contre-cœur. Il n’ignorait pas davantage que l’abbé Émery, après les avoir combattues de toutes ses forces, n’avait jamais voulu les signer. Tout l’intérêt de la réunion solennelle qu’il venait de provoquer consistait pour l’empereur à se trouver face à face avec l’ancien directeur du séminaire de Saint-Sulpice et à essayer enfin la puissance de sa dialectique religieuse et les forces de son éloquence théologique contre cet adversaire modeste, mais obstiné, dont il connaissait déjà la science et l’esprit, et qu’il ne pouvait s’empêcher d’estimer à cause de son honorable fermeté. Peu d’instans avant l’ouverture de la séance, deux prélats, M. Jauffret, évêque de Metz, et M. de Boulogne, évêque de Troyes, arrivèrent chez M. Émery, chargés par le cardinal Fesch de l’amener avec eux et dans sa propre voiture jusqu’aux Tuileries. M. Émery, qui n’avait pas reçu avis de la réunion, répondit que, n’ayant jamais eu voix délibérative dans la commission, l’ordre donné par l’empereur d’en rassembler tous les membres ne le regardait point. D’ailleurs il partait pour la campagne. Ces messieurs pourraient donc sans mentir affirmer qu’il n’était pas à Paris, ce qui serait très vrai quand ils le diraient, car il allait monter en voiture. Sa vraie raison était, comme il le fit sentir aux deux évêques, que son embarras serait extrême dans le cas où l’empereur l’obligerait à donner son avis sur les questions agitées dans la commission. L’un des prélats admettait cette défaite; l’autre lui objecta que son refus pouvait irriter l’empereur et attirer de

  1. Fragmens historiques de M. de Barral, p. 182.