rongeurs) ; d’autres, les lamantins par exemple, s’habituèrent à brouter, et, gagnant peu à peu l’intérieur des continens, formèrent la souche des mammifères ongulés (pachydermes, ruminans). Chez les uns et les autres, les nécessités de la locomotion terrestre, les habitudes que celle-ci entraîne, développèrent largement les membres et le bassin, cette ceinture osseuse qui sert d’attache aux pattes de derrière. Les mammifères aquatiques, qui prirent l’habitude de rester dans l’eau et de venir seulement respirer à la surface, perdirent peu à peu les membres postérieurs, qui ne fonctionnaient plus, et le bassin, désormais inutile. En même temps les membres antérieurs, sous l’influence des habitudes commandées par le milieu, se raccourcirent et se changèrent en nageoires. De là est venu ce que nous appellerions aujourd’hui le type aberrant auquel se rattachent la baleine et les autres cétacés. « Assurément, dit Lamarck, il entrait dans le plan de leur organisation d’avoir quatre membres et un bassin comme tous les autres mammifères. Ce qui leur manque est le produit d’un avortement occasionné, à la suite de beaucoup de temps, par le défaut d’emploi des parties qui ne leur étaient plus d’aucun usage[1]. »
Lamarck ne se contente pas d’ailleurs de ces indications vagues sur la cause des transformations des types animaux, il en précise le mécanisme, et prend pour exemple les mollusques gastéropodes (escargots, limaces). « Je conçois, dit-il, qu’un de ces animaux éprouve en se traînant le besoin de palper les corps qui sont devant lui. Il fait des efforts pour toucher ces corps avec quelques-uns des points antérieurs de sa tête, et y envoie à tout moment des masses de fluide nerveux,… des sucs nourriciers. Je conçois qu’il doit résulter de ces affluences réitérées qu’elles étendront peu à peu les nerfs qui s’y rendent… Il doit s’ensuivre que deux ou quatre tentacules naîtront et se formeront insensiblement sur les points dont il s’agit. C’est ce qui est arrivé sans doute à toutes les races de gastéropodes à qui des besoins ont fait prendre l’habitude de palper les corps avec des parties de leur tête ; mais, s’il se
- ↑ Philosophie zoologique. — Additions. — L’auteur revient du reste à diverses reprises sur ces considérations, et cite d’autres exemples, parmi lesquels il en est d’empruntés à l’homme lui-même. Il signale en particulier comme due au défaut d’exercice l’atrophie de l’œil chez certains mammifères et chez certains reptiles. La manière de se nourrir du fourmilier, du pic-vert, explique le développement de la langue de ces animaux ; la station assise et la progression par sauts imposées au kangourou par son mode de gestation est encore, selon Lamarck, la cause de la petitesse des membres antérieurs et du développement énorme que présentent les membres postérieurs et la queue. L’habitude de sauter en étendant fortement les membres a développé les membranes latérales des écureuils volans et déterminé la formation des ailes des chauves-souris.