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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/908

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Jamais on ne s’est moqué avec une verve pareille du savoir officiel et de la sagacité des pouvoirs traditionnels. Au centre de cette vaste toile se tient debout un robuste enfant, Hercule à l’entrée de l’adolescence, qui n’a rien de précisément divin, mais qui en revanche possède les plus enviables attributs de l’humanité, l’intelligence, la force, la santé, la beauté du corps, de manière à plonger dans la plus profonde humilité tous ces cacochymes et tous ces catarrheux qui l’entourent. Si cet enfant n’est pas un dieu, c’est bien un roi, car c’est un fils libre de la vie, et en cette qualité il a vraiment droit d’imposer le respect à ses prétendus maîtres, esclaves et otages de la mort. De tels docteurs interrogeant un tel enfant présentent un spectacle aussi ridicule que celui des habitans d’un hôpital assemblés en conseil pour juger du degré de santé de leurs médecins, ou celui d’un congrès de bossus et de béquillards assemblés pour décider des qualités qui constituent chez les gens droits l’excellence de la taille et la perfection de la démarche. Ces docteurs composent bien la plus remarquable collection de vieilles bêtes qu’il soit possible d’imaginer : je demande pardon de cette expression ; mais la trivialité du langage plébéien est seule capable de bien rendre l’énergie de ce chef-d’œuvre du génie plébéien. Bridoye, Géronte, Bridoison, Janotus de Bragmardo, Diafoirus, Macroton, toute la tribu en un mot des mémorables pédans et des illustres imbéciles créés par l’art comique, semblent s’être donné rendez-vous dans cette toile, dont l’éclat et le coloris magnifiques font encore mieux ressortir leur sottise, car ils sont là exposés au grand jour, en pleine lumière, et pris pour ainsi dire en flagrant délit d’ineptie. Celui-ci, figure de vieille femme chafouine et procédurière, a mis ses lunettes, et, le nez fourré dans ses bouquins, il en tourne les pages avec avidité pour chercher quelque texte capable d’embarrasser l’enfant. Celui-là, visiblement un finaud, souriant du sourire de Jocrisse, se dispose à énoncer un argument invincible qui vient d’éclore dans son remarquable intellect. Un troisième, assez bon homme au fond, est partagé entre l’étonnement et l’admiration, et toute son attitude veut dire : « Ah bah ! qui l’aurait jamais cru ? » Mais c’est la fureur la plus redoutable qui agite le grand-prêtre président de cette assemblée. Debout sur une estrade au fond de la salle, coiffé d’une tiare dont les pointes se rejoignent comme les pinces de l’écrevisse, il se penche en avant comme pour prendre un grand vol, et s’en aller tomber avec la