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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/91

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LA SERBIE AU XIXe SIÈCLE.


page est comme le résumé des études que l’Allemagne depuis une vingtaine d’années a consacrées aux affaires de Serbie, études qui se trouvent un peu partout, dans les journaux, dans les revues, dans les récits de voyages. Nous citerons, entre bien d’autres, les pages charmantes de M. Siegfried Kapper intitulées Pérégrinations chez les Slaves du sud[1]. C’est en 1850, sous le règne du prince Alexandre Karageorgevitch, que M. Siegfried Kapper a visité Belgrade. La Serbie traversait alors une crise de langueur, résultat des secousses de 1848 ; les luttes secrètes de la diplomatie avaient remplacé les émotions de la guerre et les orages de la cité ; l’influence autrichienne et l’influence russe se disputaient l’état naissant ; M. Kapper, sans nulle prétention, et en se bornant à peindre les mœurs, a tracé des tableaux auxquels les événemens des années suivantes ont attaché le plus vif intérêt. Ce ne sont que des notes de touriste, des impressions toutes personnelles ; mais de ces impressions et de ces notes l’histoire peut tirer son profit, tant l’esprit de l’observateur est animé d’une intelligente sympathie pour les Serbes.

La même sympathie éclate chez les voyageurs anglais ou français qui ont exposé à des points de vue divers les transformations de la principauté slave. Interrogez le Voyage en Orient de M. de Lamartine, le Voyage en Hongrie de M. Thouvenel, le Voyage en Bulgarie de M. Blanqui, parcourez les rapports de M. Ubicini sur la Serbie et le Monténégro, consultez les traductions des chants nationaux des Serbes par M. Auguste Dozon, chancelier du consulat de France à Belgrade, rappelez-vous surtout les pages ardentes où notre collaborateur M. Cyprien Robert a si vivement reproduit les passions des partis à l’heure la plus passionnée de cette histoire ; ajoutez à tant d’informations les poétiques études récemment publiées ici même par Mme Dora d’Istria ; enfin, si vous voulez prendre connaissance des travaux anglais, n’oubliez pas les enquêtes du Dr Denton sur l’église serbe[2]. Dans ces œuvres si diverses, vous trouverez toujours la même sympathie pour les Serbes, la même sollicitude pour ce petit peuple à qui l’avenir réserve peut-être un grand rôle en Orient.

Il n’y a donc plus lieu d’accuser l’indifférence de la presse occidentale. Ce serait une égale injustice de répéter aujourd’hui les amères paroles de Fallmerayer. Non certes, pas plus en Allemagne qu’en Angleterre ou en France, les écrivains qui s’occupent de|la Serbie ne sont disposés à tourner au bénéfice des Russes l’héroïque

  1. Südslavische Wanderwigen, von Siegfried Kapper, 2 vol. ; Leipzig 1853.
  2. Servia and the Servians, by rev. W. Denton, in-8o. ; Londres 1862.