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LES
ELECTIONS DE 1868
EN ANGLETERRE

Le parlement élu en 1865 n’a fourni qu’une courte existence de trois années, et pourtant il vivra dans l’histoire : c’est à lui qu’on doit la réforme électorale. Ses destinées ont été plus grandes que ses intentions : issu lui-même d’un suffrage beaucoup trop restreint, il fallut la pression du dehors pour qu’il consentît à résoudre un problème longtemps éludé par la timide sagesse de lord Palmerston. Est-il besoin de rappeler comment, la majorité libérale s’étant dissoute dans la discussion d’un premier reform bill, les conservateurs entrèrent au pouvoir ? On vit alors un phénomène assez rare dans les annales parlementaires de la Grande-Bretagne, un ministère sans majorité conduisant à travers les obstacles les plus divers et les plus sérieux une entreprise dans laquelle des cabinets entourés du nombre et de la force morale avaient échoué. Certes il fallut à M. Disraeli toute son audace d’homme d’état pour accepter cette situation difficile, et tout son talent pour s’en tirer avec honneur. Le parti conservateur était décidé à vaincre, dût-il s’ensevelir lui-même dans son triomphe. Le succès parut couronner ses efforts : le reform act, quoique amendé par le concours de toutes les influences, avait été voté sous un ministère tory. A peine se dissipa la fumée des illusions que tout le monde vit néanmoins très clair dans la lutte des partis : le gouvernement, dominé par l’opposition, ne vivait qu’à la condition de servir les intérêts de ses adversaires.