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intérêt tout exceptionnel ! Ce n’était pas seulement le parlement de 1865 qui finissait en 1868 ; c’était un régime électoral. Dans l’intervalle, une révolution pacifique avait étendu le suffrage et en quelque sorte renouvelé les sources du pouvoir. On allait faire l’essai d’un autre système et Dieu sait si les prophètes de malheur avaient manqué pour lui prédire les plus funestes conséquences. Que sortirait-il de la loi de 1867 ? Sous quel drapeau allaient se ranger les nouvelles recrues que le reform act venait d’enrôler dans l’armée des électeurs ? Touchait-on aux catastrophes annoncées il y a deux ans par M. Lowe ? les trade’s unions, concentrant leurs efforts allaient-elles se précipiter sur le gouvernement de la Grande-Bretagne ?… La réponse à toutes ces questions devait être déposée dans le livre ouvert du scrutin ; mais il en est une autre qui préoccupait en même temps les esprits et de laquelle dépendait le sort du ministère. Tout en restant protestante au fond du cœur, l’Angleterre maintiendrait-elle en Irlande une église imposée par la conquête ? Était-ce vers M. Disraeli ou vers M. Gladstone qu’inclinaient les véritables sentimens du pays ? On allait le savoir, et ce sont les péripéties de cette lutte électorale que je voudrais raconter. Ayant été mêlé de près aux agitions d’un grand peuple, il me suffira de rassembler mes souvenirs d’hier.


I

Les tories, étant au pouvoir, n’allaient-ils point savoir sur leurs adversaires l’avantage que donnent les ressources d’une administration servie par de nombreux agens ? Cette circonstance, je le déclare n’a pas un seul instant préoccupé l’esprit des libéraux anglais. Personne ici ne peut se vanter d’avoir, comme ; on dit, les élections sous la main, et le gouvernement est encore plus étranger que tout autre à la guerre des partis. Le choix des candidatures n’entre pour rien dans les fonctions du ministre de l’intérieur : trop heureux s’il réussit lui-même à reconquérir son siège au parlement. On peut sans doute donner à un pays d’excellentes raisons pour qu’il accepte la dictature de l’état. « Peuple, tu es souverain : contente-toi de l’honneur qu’on te fait en paraissant te consulter. Garde-toi bien de penser, d’examiner et de choisir. Nous savons ce qu’il te faut beaucoup mieux que tu n’es à même de le savoir toi-même. » Je doute pourtant que ce langage fût de nature à convaincre les Anglais. Quel est le parti qui souffrirait chez nos voisins des candidats désignés, patentés par le gouvernement ? Les conservateurs seraient les premiers à les désavouer. Un régime