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des maisons, pillant au hasard, se gorgeant de butin ; puis, possédés de cette manie de destruction qui saisit l’homme dans l’ivresse des passions, Ils jetèrent les meubles par les fenêtres, répandirent le vin dans les rues, et souillèrent dans la fange les plus riches étoffes.

Du matin au soir, toute l’armée fut occupée à transporter le butin sur la flotte. Il y avait d’ailleurs lieu de se presser. Dom Gaspard d’Acosta était parvenu à rallier ses troupes » et, campé à une lieue dans la montagne, attendait d’un instant à l’autre l’armée des mines, commandée par Antoine d’Albuquerque, général de grande réputation. La position de Du Guay-Trouin dans une place ouverte et sans approvisionnemens pouvait devenir critique. Il prit vite son paru, et envoya sommer dom Gaspard d’Acosta de racheter Rio-Janeiro, menaçant, s’il refusait, de réduire la ville en cendres. En même temps, pour l’intimider, il fit brûler à une lieue de distance toutes les maisons de campagne. D’Acosta proposa 600,000 cruzades ; mais il fallait, disait-il, quelques jours pour faire revenir l’or transporté fort loin dans l’intérieur. C’était une défaite. Cette nuit-là même, Du Guay-Trouin, qui comprit que la vigueur seule pouvait le sauver, fit marcher ses troupes, et, le lendemain matin se trouva en ligne devant les Portugais. D’Acosta, surpris, renouvela ses propositions, déclarant qu’il ne pouvait donner une somme plus forte, et laissant Du Guay-Trouin, s’il ne se contentait pas de cette rançon, libre de brûler la ville. Seulement il ajoutait de sa poche 10,000 cruzades, s’engageait à un prompt paiement, à fournir 500 caisses de sucre avec les bestiaux dont l’armée pouvait avoir besoin, et livrait enfin comme otages douze de ses principaux officiers. A peine ces conditions étaient-elles acceptées qu’Antoine d’Albuquerque survint avec 3,000 hommes de troupes réglées. Il avait fait la plus grande diligence, amenant sa cavalerie à marches forcées et ses fantassins en croupe. Cet incident était fâcheux. Les Portugais pouvaient rompre un traité qu’ils se sentiraient de force à ne pas exécuter. L’attitude de Du Guay-Trouin le sauva, les deux généraux n’osèrent rien tenter contre lui. Tout se fit comme il avait été dit. Un bâtiment de commerce partit pour la mer du sud, chargé de toutes les denrées qui ne pouvaient trouver leur débit en Europe. Le butin fut embarqué, le paiement s’opéra intégralement, et le 4 novembre 1711 la ville de Rio-Janeiro fut remise aux Portugais. Du Guay-Trouin garda seulement les forts du goulet pour assurer sa sortie, Enfin le 12 il fit voile pour la France. Après avoir été retardé par. les vents contraires et avoir laissé le navire de commerce chargé pour les mers du sud sous la conduite de l’Aigle, il passa la ligne le 20 décembre, et arriva aux Açores le 29 janvier 1712. Là,