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inconséquence chez l’homme, c’est une anomalie de plus, et voilà tout. Que M. de Maupas se débatte dans tous ces termes d’homogénéité, de solidarité, de responsabilité ministérielle, pour rester en règle avec la constitution, le fond est le même ; la déduction irrésistible, c’est un ministère représentant une politique, lié par une intime communauté d’opinions, placé entre le souverain et le pays intervenant dans ses affaires par les chambres, par la presse. Si M. de Maupas n’a voulu que se donner le malicieux plaisir de mettre dans l’embarras M. Troplong, gardien juré de la constitution, M. Rouher, chargé de défendre la situation actuelle tant qu’elle n’est pas modifiée, il a réussi jusqu’à un certain point. Il a bien sûrement désolé M. le président du sénat, il a forcé M. le ministre d’état à le suivre sur un terrain défendu, à combattre des idées qu’il ne désavoue peut-être pas absolument lui-même dans le secret de sa pensée.

M. de Maupas et M. Rouher, combattant sur la question de l’établissement de la responsabilité ministérielle en plein sénat, devant M. Troplong, le spectacle était bizarre, et cette étonnante séance est faite pour laisser une double impression qui survit à cet éternel ordre du jour où vont aboutir toutes les interpellations. Elle révèle de plus d’une façon les luttes intimes de notre politique intérieure. M. Rouher, négligeant volontairement sans doute les côtés plus élevés de la question, rappelait l’autre jour que, si on avait été conduit à augmenter les franchises de la presse, c’est qu’on en était venu à reconnaître que, à tout prendre, le régime discrétionnaire était impuissant, qu’il ne supprimait rien, qu’il ne méritait pas sa réputation, et qu’il valait mieux voir en face la contradiction, même l’hostilité. Eh bien ! on vient de reconnaître encore une fois ce que valent les restrictions, les prohibitions, quand elles s’appliquent aux affaires politiques, fût-ce à la discussion des principes du gouvernement. Est-ce que les sénatus-consultes protecteurs de la constitution ont rien empêché ? Est-ce qu’un sénateur dont le dévoûment est à l’épreuve ne s’est pas cru le droit d’aborder ces délicats problèmes d’organisation constitutionnelle que nous ne pouvons, pour notre part, regarder que du dehors ? Il aurait pu suivre une voie plus régulière, ce sénateur empressé à regagner le temps perdu, soit ; il ne l’a pas suivie, et on l’a dit avec une parfaite raison, comment dérober à l’examen public ce que le sénat lui-même discute, ce qui est la préoccupation de tout le monde ? Ce n’est pas tout. On a beau faire, les choses ont marché depuis quelque temps, et ce n’est pas seulement dans les discussions, c’est surtout dans les faits que s’attestent les changemens accomplis. Au fond, que signifie cette dernière séance du sénat interrogée de près ? Elle prouve que personne n’est plus dans la donnée primitive des institutions actuelles, ni M. de Maupas en proposant une innovation considérable, ni le gouvernement, qui a donné l’exemple de se réformer lui-même en étendant le contrôle des chambres, en affranchissant la presse de la tu-