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annuelles de la ville pendant un certain laps de temps. C’est ce qui sera discuté dans quelques jours. On soutiendra, si nous ne nous trompons, que la consolidation des 398 millions si complaisamment avancés par le Crédit foncier ne constitue pas un emprunt au sens propre et légal du mot, que la ville, de Paris ou le gérant de ses finances avait le droit d’étendre sur l’avenir cette part des charges, du présent, que M. le préfet de la Seine a même été par le fait un grand décentralisateur en agissant avec une aussi hardie indépendance. On dira bien des choses ! encore ; il n’est pas moins clair que, s’il n’y avait point un emprunt véritable, déguisé sous cette ingénieuse combinaison des bons, de délégation, on n’aurait pas recours aujourd’hui au corps législatif pour régulariser après coup ce qu’il n’avait pas autorisé. Il est bien plus évident encore que ce n’est pas là une affaire de simple juridiction administrative ou d’interprétation légale du mot d’emprunt, que c’est une question politique de premier ordre, se posant à propos de tout un ensemble de travaux irrégulièrement accomplis par la volonté autocratique d’un homme.

M. le préfet de la Seine a une justification souveraine dont on finit par abuser. Il se réfugie dans la magnificence de ses œuvres, il se fait un rempart de toutes les merveilles dont il a doté Paris. C’est, à proprement parler, la souveraineté du but transportée dans le domaine de l’édilité. Ce serait certainement une injustice, de méconnaître la grandeur et l’utilité de quelques-uns de ces travaux, de même que ce serait une puérilité de contester l’énergique et opiniâtre capacité de cet infatigable révolutionnaire de la voirie parisienne ; mais ce qui nous frappe dans tout cela, c’est l’absence totale du sentiment de la loi. L’administration actuelle de la ville de Paris, avec ces opérations tant attaquées, n’a fait, dira-t-on, que ce qui s’est pratiqué dans d’autres circonstances, à propos du rachat du péage des ponts, à propos du rachat du canal Saint-Martin, etc., ce qui est en usage dans une multitude d’autres grandes villes de France. C’est là précisément le mal invétéré que ce penchant des administrateurs à éluder les plus simples règles par des combinaisons plus ou moins ingénieuses, et si c’est plus sensible à Paris, c’est que ce dédain suprême de la loi s’y est manifesté dans de plus vastes proportions. Toutes ces questions parisiennes ont été serrées de près déjà plus d’une fois. M. Léon Say les a étudiées avec une pénétrante intelligence, et M. Augustin Cochin les résume aujourd’hui dans une brochure, la Ville de Paris et le corps législatif, œuvre d’un « Parisien renforcé » qui répète volontiers avec Montaigne : « Paris a mon cœur dès mon enfance ; je l’aime tendrement et jusques à ses verrues et à ses taches. » Dans ces pages, il n’y a aucune injustice pour M. le préfet de la Seine, il y a de l’impartialité, de la sincérité, et en définitive l’auteur arrive sans effort à cette conclusion que M. Haussmann a fait certaine-