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se séparer de la diplomatie occidentale pour brusquer aventureusement les choses. Ce parti de l’action précipitée a été vaincu, et c’est le secret de cette crise à la suite de laquelle, il y a quelques jours, Namik-Pacha quittait le ministère de la guerre, et son fils Djemil-Bey cessait d’être chambellan du sultan. D’un autre côté, l’ardeur belliqueuse n’était pas moins vive en Grèce. Le parti de la guerre comptait des représentans puissans, et il avait la popularité dans le pays. Fort de la surexcitation du sentiment national, il dominait dans le ministère au moment où les propositions de la conférence arrivaient à Athènes.

Le premier effet de cette mise en demeure adressée par la diplomatie européenne au gouvernement hellénique a été la dissolution du cabinet Bulgaris et le commencement d’une crise prolongée où toutes les combinaisons ont été essayées. Le jeune roi George ne s’est point hâté, il s’est entouré de conseils, il a réuni autour de lui quelques-uns des hommes considérables de la Grèce, M. Zaïmis, M. Christidès, M. Deligiorgis, etc. Ces conseils étaient l’image des sentimens agités du pays. Le souverain hellène se trouvait dans une position cruelle, placé qu’il était entre toutes les influences, entre la diplomatie, qui lui parlait de paix, et ceux qui se laissaient exalter par la passion publique au point de vouloir tout braver quand même, entre le danger d’attrister, de froisser le sentiment national par une résignation nécessaire, et l’évidente impossibilité de se lancer follement dans une guerre pour laquelle la Grèce n’était rien moins que prête. La diplomatie et surtout le représentant de la France, M. Baude, ont sûrement aidé à lever ces doutes et à faire prévaloir les conseils pacifiques. La sagesse l’a emporté, et après bien des tâtonnemens c’est M. Zaïmis qui s’est chargé, comme président du conseil, de personnifier dans le gouvernement la politique de la paix, de signer l’acte d’adhésion de la Grèce à la déclaration de la conférence. M. Zaïmis est le fils de l’un des chefs de la guerre de l’indépendance en 1821 ; il a fait lui-même partie de la députation envoyée, il y a quelques années, à Copenhague pour offrir la couronne hellénique au jeune prince danois qui est aujourd’hui le roi George. Sans avoir l’ascendant de M. Bulgaris, de M. Commondouros, il passe pour un homme habile et exercé. Il s’est donné pour collègues, entre autres, un officier distingué de l’armée, M. Charles Soutzo, un diplomate, M. Théodore Delyannis, l’ancien ministre de Grèce à Paris et le parent de M. Delyannis, ministre des affaires étrangères dans le dernier cabinet…C’est le ministère de la paix nécessaire, d’une paix qui n’offense en rien le patriotisme après tout, et qui n’aliène nullement l’avenir.

Diverses circonstances ont déterminé sans doute cette solution de la crise, hellénique et la plus essentielle, en dehors des communications personnelles que le roi George a pu recevoir des principaux souverains de l’Occident, c’est une juste appréciation des faits, c’est un simple